On fuit l'incompétence pour tomber dans les filets de la cupidité et du business, avec, en prime, un danger certain. Dans les services de maternité relevant du secteur public, une femme sur dix donne naissance à son bébé par cette voie opératoire appelée césarienne, or, dans les cliniques privées les chiffres sont encore plus élevés, avec environ cinq sur dix». C'est ce qui ressort d'une enquête menée par un praticien du service étatique qui a voulu percer le secret de cet «engouement» pour la césarienne qui contraint beaucoup de couples à s'endetter ou se priver du minimum pour s'offrir les services d'une clinique privée. Des variations trop importantes qui suscitent des interrogations, selon ce praticien. Peut-on parler d'un problème de santé publique ? Sa réponse est oui. «Si pour certaines femme la césarienne ne pose aucun problème, pour d'autres elle est plus difficile à vivre, et elles peuvent ressentir une frustration ou un sentiment d'échec, persistant parfois pendant de longues années, sans parler des complications infectieuses qui sont trois fois plus fréquentes que lors d'un accouchement naturel», dira-t-il. Selon le protocole médical, cette opération est pratiquée s'il y a un obstacle au passage de l'enfant ou lorsque la mère est trop fatiguée ou présentant des affections cardiovasculaires pouvant mettre en danger sa vie et celle du bébé. Quant aux raisons ayant favorisé ce phénomène qu'est devenue la césarienne, notre interlocuteur évoque le manque criard de spécialistes en la matière; tous les services de maternité de la wilaya fonctionnent sans gynécologues, excepté celle du chef-lieu de wilaya qui a montré ses limites; en cas de complications, les sages-femmes se retrouvent dans l'embarras, et la fuite en avant consiste souvent à conseiller aux parturientes d'aller voir ailleurs. «L'accouchement n'est pas toujours sans risque, il est souvent accompagné d'appréhensions et de stress», témoigne une accoucheuse ayant requis l'anonymat, qui explique: «Nous voulons nous mettre à l'abri des poursuites judiciaires, d'où le recours à cette voie.» A ce propos, un homme, Messaoud, chômeur de son état, raconte la douloureuse «saga» vécue par sa femme enceinte à cause de la pauvreté: «Une âme charitable évacue mon épouse à l'hôpital mère et enfant d'une wilaya limitrophe, à son arrivée elle sera refoulée sous de fallacieux prétextes, et orientée vers une clinique privée; là, j'ai payé rubis sur l'ongle, 55 000 DA pour une hospitalisation de 24 heures, juste le temps de l'intervention.» Notre interlocuteur n'hésite pas à dénoncer cette «cupidité», disant que beaucoup de structures sanitaires privées doivent leur survie à ce genre de pratiques «pour compenser leur déficit».