La scène se passe à Paris, première capitale de l'émigration algérienne, dans le froid mordant de l'hiver. Deux groupes de manifestants algériens se font face, les uns représentant des opposants aléatoires réunis autour de l'association Rachad et des anciens du FIS, les autres des soutiens du régime retranchés autour d'un noyau mou de militants FLN. Objet du litige qui a réuni ces deux antagonismes il y a quelques jours, contre ou pro-Bouteflika, pour le changement de régime ou son maintien, contre les généraux ou pour l'autoritarisme éclairé. Jusque-là, rien d'extraordinaire dans ce face-à-face encadré par la police française, tout au plus un exercice de réchauffement climatique en vue de l'affrontement des législatives algériennes. Sauf que pour diaboliser l'autre partie, chaque groupe a eu recours à une arme de dissuasion, BHL, du nom du philosophe TV français. Pour décrédibiliser les opposants, le groupe FLN a accusé les autres d'avoir invité BHL pour faire de l'Algérie une nouvelle Libye. Pour se défendre, le groupe Rachad a brandi des pancartes qui accusaient l'autre groupe de défendre BHL et les généraux algériens. En gros, les islamistes du FIS accusent les pro-Bouteflika de soutenir les généraux avec BHL comme agent médiatique, et le groupe FLN accuse Rachad de soutenir les islamistes avec BHL comme tête de pont. De cet absurde débat algérien à Paris, que faut-il en tirer ? Une question : mais que vient faire BHL dedans ? Plus commercial que philosophe, vague porte-parole de l'OTAN et accessoirement petit soldat américain, il est pour la France le ministre des affaires étrangères officieux mais rien pour l'Algérie. Sauf qu'il est d'origine algérienne. C'est une production nationale, conditionnée en France et distribuée par Israël. Un vieux produit manufacturé des colonies dont il faut absolument se débarrasser pour relancer l'économie du XXIe siècle.