La Grèce 2012 marche sur les pas de l'Argentine 2001. Depuis vendredi, un peu plus. Les banques qui négocient avec Athènes les modalités de renoncement de 50% à leurs créances ont suspendu les discussions. Cela ne pouvait pas plus mal tomber au lendemain de la dégradation du triple A de la France. L'un des principaux pourvoyeurs de la cavalerie qui doit sauver la Grèce. En un mot jamais, la déclaration de cessation de paiement de la Grèce n'a été une plus grande possibilité qu'aujourd'hui. Parmi les créanciers privés censés alléger le fardeau de moitié, quelques-uns ont misé sur l'autre scénario. Celui de l'insolvabilité de l'Etat Grecque. Et ont secrètement acheté des actifs qui rebondiraient dans ce cas de figure. C'est dire combien la chaîne de l'Euro parait dissoluble aujourd'hui à son maillon grec. La décision de réduire de 50% la dette souveraine de la Grèce a été prise fin octobre dernier par les pays de la zone euro afin d'éviter une faillite en ordre dispersé du pays. Autrement plus désastreuse pour tous. En accord avec les banques privées créancières de la Grèce. Pilule amère qu'elles ont dû avaler pour stabiliser un marché lancé dans le massacre des actifs souverains partout en Europe. Elles étaient ainsi invitées à ne pas se payer jusqu'au dernier rubis sur la bête au sol. Aujourd'hui, elles traînent, pour certaines d'entre elles, les pieds pour déboucher sur un accord de réaménagement de la dette grecque. Avec nouveau principal, nouveau taux d'intérêt et nouveau délai de remboursement. Or, sans cet accord, le FMI ne libèrera pas une nouvelle aide au gouvernement d'Athènes. Pire encore, l'institution de Washington pense que la Grèce ne s'en sortira pas, même si ses créanciers lui effacent la moitié de sa dette. Conséquence, le FMI ne mettra pas plus d'argent en Grèce s'il n'est pas certain de la possibilité d'être remboursé. Ce sont ces statuts qui l'obligent à agir ainsi. La condition pour que la Grèce garde la tête en dehors de l'eau serait que ces créanciers, si rigides encore dans cette tempête, acceptent non pas seulement de mettre une croix sur la moitié de leurs créances, mais aussi d'être remboursés à un taux «raisonnable» pour les 50% restants. Elles exigent 5% de taux d'intérêt. Insoutenable répond Athènes. Et le FMI aussi. Le bras de fer a pris l'allure d'une partie de poker des plus dangereuses. Elle fait penser à la dernière semaine de la vie de Lehmann Brothers en septembre 2008. Le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, voulait amener les autres banques de Wall Street à participer au sauvetage de la 4e banque d'affaires du pays, sans apporter de l'argent public à ce sauvetage. Il l'avait fait pour sauver Bear Stearns quelques semaines auparavant et avait été lynché par l'opinion pour une telle utilisation de l'argent du contribuable. Paulson était, jusqu'au dernier soir, persuadé que Lehmann Brothers trouverait preneur - la britannique Barclay's - si les autres banques américaines acceptaient de partager le risque de ses actifs toxiques (les subprimes) qui l'avaient fait plonger en moins de trois mois de 66 dollars l'action à moins de 4 dollars. Erreur. L'Europe peut se réveiller dans les prochains jours comme les Etats-Unis le lundi 15 septembre au matin. Parce que ceux qui pensent que le soldat grec ne peut plus être sauvé, et qu'il ne sert à rien de gaspiller encore des capitaux pour cela, sont désormais plus nombreux et à découvert. Dans des conditions d'insolvabilité similaire, l'Argentine avait décidé de se déclarer en cessation de paiement aux premiers jours de 2002, après une crise du change qui avait fait fuir les capitaux libellés en dollars par la grâce du Currency board, une loi liant à parité fixe le Peso et la devise américaine. La Grèce l'aurait sans doute fait depuis une année déjà si ce n'était l'euro. L'Argentine, en rupture avec le FMI, avait dévalué de 40% le peso, relancer ses exportations, coupé les grands déposants de leur épargne pendant quelques mois et renégocié sa dette avec ses créanciers étrangers, les amenant à en effacer jusqu'à 70% sous certaines conditions. L'alternative, en bonne partie, aux plans d'ajustement qui ont éreinté la société grecque depuis plus de deux ans, est donc déjà écrite dans l'histoire économique récente. En Argentine. L'euro ne l'a pas permis jusqu'ici. La chute de la Grèce a un effet systémique sur la zone de la monnaie européenne. Mais depuis vendredi et la complication dans la négociation d'Athènes avec ses créanciers, le scénario argentin est de retour. Avec toutes ses conséquences pour la zone. Un accord de dernière minute n'est pas à exclure. La question est de savoir qui le financera. Un surcroît de solidarité européenne, plus de sacrifice du peuple grec, ou un sursaut des actionnaires des banques créancières dont l'inflexibilité amène à nouveau tout le système au bord du gouffre. Comme en septembre 2008.