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Les médecins résidents dénoncent
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Publié dans El Watan le 27 - 01 - 2012

Le Collectif autonome des médecins résidents algériens organise une action nationale de solidarité, mardi 31 janvier, au CPMC d'Alger, au CHU d'Oran et au CHU de Constantine afin de dénoncer les conditions de prise en charge des malades du cancer et la pénurie de médicaments de la cancérologie et de l'urgence.
Ce rassemblement se fait l'écho de la détresse que connaissent les malades et du désespoir de leurs médecins et familles. Les importations algériennes de médicaments ont connu une hausse de 16,55% en 2011, passant de 1,610 milliard de dollars en 2010 à 1,87 milliard de dollars l'année dernière. En volume, les quantités de médicaments importées par l'Algérie n'ont augmenté que de 2,2%, passant de 23 835 tonnes en 2010 à 24 362 tonnes en 2011, selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des Douanes (CNIS). Le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, avait accusé, le 30 décembre devant l'Assemblée nationale, des importateurs d'avoir spéculé sur les prix de certains médicaments et dilapidé l'argent du peuple à travers des surfacturations estimées à 94 millions de dollars en 2011.
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Nazim Tamarout et Sara Deghi. Médecins et membres du collectif Camra : «La pénurie de médicaments est un aveu d'incompétence»
Le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) organise une opération Dénonciation-Don du sang inscrite sous le slogan «Sang pour sang avec nos patients», mardi 31 janvier, au CPMC d'Alger, au CHU d'Oran et au CHU de Constantine. Les médecins Nazim Tamarout et Sara Deghi expliquent la nécessité d'une telle action à El Watan Week-end.
-Camra organise une grande action nationale mardi prochain. Aux grands maux les grands moyens ?
Nazim Tamarout : Nous avons organisé cette opération pour dénoncer encore une fois la pénurie de médicaments, notamment ceux indispensables en oncologie et aux services d'urgence, les conditions effroyables de prise en charge des cancéreux, les rendez-vous de radiothérapie éloignés et réfuter les affirmations des autorités selon lesquelles tous les problèmes ont été solutionnés. Nous percevons, de par notre proximité quotidienne avec nos patients, que leur situation ne s'arrange pas. Leurs appels et cris de détresse se multiplient et nous nous retrouvons de plus en plus impuissants à leur apporter des solutions efficientes.
Grâce aux résidents des différents services d'oncologie, nous avons pu dresser une liste non exhaustive d'une vingtaine de produits, entre drogues de chimiothérapie, solutés indispensables, certaines présentations d'antibiotiques et d'antidouleur, toujours en rupture. Nous sommes la première ligne du système de soins. Personne ne peut nous tromper sur la réalité de la situation que nous vivons quotidiennement auprès de nos malades. Pour les responsables, le temps de la politique n'est pas celui de la vie, et encore moins celui de la santé. Car si celle-ci n'a évidemment pas de prix pour les privilégiés du sérail évacués en quelques heures vers les capitales occidentales, elle a par contre toujours un coût pour celle du commun des mortels qui doit se réjouir en bon patriote de la campagne officielle annonçant la mise en place de «15 nouveaux centres anticancer d'ici 3 ans», et applaudir au fait que «l'Algérie se prépare à devenir un acteur mondial dans la production de médicaments en 2014».
Jusque-là, aucune stratégie de santé globale, tenant compte de la transition épidémiologique et mettant l'accent en amont sur la prévention des facteurs de risque, et en aval sur la gestion cohérente et concertée des moyens et des personnels, ne viendra endiguer la déferlante cancéreuse qui enregistre chaque année plus de 50 000 nouveaux cas. Nous demeurerons mobilisés aux côtés de nos patients jusqu'à ce que leur prise en charge médicale soit à la hauteur de ce que permet la science dans le domaine.
-Comment l'action de solidarité a été coordonnée avec les CHU des autres villes ?
Sara Deghi : Bien que les autorités nous refusent une existence légale en usant d'argumentaires juridiques fallacieux et que nos délégués soient sujets à des sanctions et intimidations diverses, notre collectif a réussi à regrouper les résidents de tout le territoire national et les décisions depuis le début de notre mouvement sont prises de manière collégiale même si chaque faculté dispose de son autonomie au sein de notre union pour être au plus près des préoccupations des résidents. Nous avons toujours travaillé en coordination puisque les problèmes que nous rencontrons tant sur le plan de la formation que dans l'exercice de nos activités de soins et dans la prise en charge de nos malades sont identiques partout en Algérie. Il faut dire aussi que la vindicte, dont furent victimes beaucoup de résidents à la suite de leur engagement dans le mouvement de protestation, a permis de renforcer l'esprit de corps et la solidarité entre les résidents des différentes villes.
-Justement où résident les difficultés pour organiser un tel rassemblement ?
Concernant cette action du 31 janvier, nous avons rencontré des difficultés pour obtenir l'adhésion des responsables des CTS puisque ces derniers (comme d'ailleurs les directeurs d'hôpitaux) ont déjà été par le passé destinataires de circulaires les enjoignant à ne considérer aucune requête émanant de notre collectif. Mais c'est sans compter sur le fait que les médecins résidents sont également «chez eux» dans les hôpitaux et qu'il est difficile de nous empêcher d'accéder aux dispositifs que nous faisons fonctionner au quotidien. C'est ainsi que le don du sang aura bien lieu de 10h à 14h aussi bien à Constantine, Oran qu'Alger.

-Depuis décembre dernier, le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, annonce une série de mesures afin de pallier la pénurie des médicaments au niveau des officines. Pourtant, votre action démontre bien que le problème n'est toujours pas réglé….
Nazim Tamarout : Le ministère de la Santé se dédouane de toute responsabilité en expliquant que ces pénuries, devenues permanentes à force d'être cycliques, sont le fait de lobbys puissants réalisant des surfacturations sur les importations de médicaments, mais également dues aux perturbations constatées dans le circuit de distribution. Nous y voyons pour notre part un aveu d'incompétence et un défaut de gestion dont les premiers responsables du secteur doivent tirer toutes les conséquences en se retirant. Car lorsqu'on est aux responsabilités et que l'on représente l'Etat dans sa mission cardinale de défense de l'intérêt public, il ne suffit pas de dénoncer les outrages dans l'espoir de «se dédouaner», mais il convient d'agir efficacement pour y mettre un terme en situant les responsabilités de chacun et en traduisant devant la justice les mis en cause.
Ceci d'autant plus que les mesures introduites, notamment l'effacement de la dette de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) et l'installation de la Commission nationale consultative des produits pharmaceutiques – dont par ailleurs le corps médical est étrangement exclu –, n'ont pas eu les effets escomptés. Les difficultés d'approvisionnement comme les pénuries demeurent et nous empêchent au quotidien d'accomplir convenablement notre mission de soins auprès des malades.
-Le don du sang n'est pas l'affaire de tous, ceci pénalise-t-il les malades du cancer ?
Sara Deghi : Effectivement. Les patients atteints de cancer ont des besoins en sang et en ses dérivés des plus importants (de par la maladie elle-même, mais également en raison des effets secondaires de la chimiothérapie et de la radiothérapie). Les leucémies, par exemple, touchent la production des cellules sanguines et leur traitement nécessite de grandes quantités de produits sanguins. Le constat aberrant que nous avons fait durant la préparation de cette action, c'est l'absence d'un centre de transfusion sanguine (CTS) au niveau du CPMC (pourtant centre anticancer national de référence), mais également le manque de moyens de prélèvement spécifique des dérivés du sang, en particulier celui des plaquettes (nécessitant des appareils de cytaphérèse).
Cette réalité contrastant de manière dramatique avec les besoins considérables en sang et ses dérivés des malades pris en charge par ce centre anticancer. A notre connaissance, les dons du sang pour ce dernier se font au niveau du CTS du CHU Mustapha dont près de la moitié des prélèvements sont consommés au niveau du CPMC. Les malades rencontrent des difficultés innombrables pour parvenir à recevoir des dons en produits sanguins et plus particulièrement en plaquettes. Ils se voient obligés de trouver, par leurs propres moyens, dans leur entourage des donneurs volontaires voulant bien être prélevés pour qu'en échange de leurs «dons», la personne indiquée reçoive le sang dont elle a besoin (ce qui en déontologie est normalement interdit, mais qui, hélas, est une pratique devenue habituelle).
-Que faut-il faire pour encourager les gens à donner leur sang ?
Sara Deghi : Il est nécessaire de multiplier les campagnes d'information sur la réalité et les conditions du don. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons fait imprimer un dépliant expliquant dans le détail les différents aspects de ce dernier, son intérêt, ses indications et ses contre-indications, ses modalités, ses bienfaits sur la santé ainsi que sa portée sociale.

-Qu'attendez-vous concrètement de l'action du 31 janvier ?
Nazim Tamarout : Cette opération Dénonciation-Don du sang inscrite sous le slogan «Sang pour sang avec nos patients» traduit notre position à l'égard de ces derniers. Nous nous tenons à leurs côtés, concrètement, activement, non pas seulement en paroles comme certaines corporations médicales qui ne daignent s'intéresser à cette problématique que pour donner une caution morale à leurs revendications qui ne sont en réalité que bassement salariales. Notre soutien n'est pas intéressé car il est le prolongement naturel de notre colère et de notre frustration quotidiennes lorsque en première ligne face au malade, les yeux dans les yeux, il nous faut lui annoncer que tel médicament indispensable à sa survie, tel soluté nécessaire ou tel équipement essentiel n'est pas disponible. Voilà des mois que nous ne cessons de dénoncer publiquement la réalité que vivent nos patients face à leur cancer. Nous avons écrit, informé, pétitionné, interpellé la presse nationale. Nous avons observé dès octobre 2011, avec les associations de malades, un rassemblement devant le CPMC pour alerter l'opinion publique et la prendre à témoin. Nous avons toujours œuvré pour que soient révélées au grand jour les coulisses d'un drame où tous les échelons de responsabilité sont complices. Le Cancer est une urgence !
-Vos revendications ?
Nazim Tamarout : Les promesses ne suffisent pas. Nous voulons que des mesures immédiates soient prises afin de rendre disponibles les médicaments de chimiothérapie, certaines présentations d'antibiotiques et d'antidouleur, les solutés en rupture ainsi que certains consommables comme les kits de cytaphérèse. Est-il besoin également d'évoquer les molécules vitales pour les services d'urgence comme l'adrénaline et l'HHC en pénurie cyclique. Nous voulons que soit instaurée une gestion rigoureuse des stocks et un renforcement des circuits de distribution. Nous voulons enfin que la prise en charge globale du cancéreux, socialement et économiquement soit améliorée.


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