Le président tunisien Moncef Marzouki a entamé hier une tournée maghrébine qui le mènera tour à tour au Maroc, en Mauritanie puis en Algérie. Officiellement, le chef de l'Etat tunisien se fixe pour challenge, à travers ce périple de six jours, de relancer le processus de l'intégration maghrébine, en panne depuis de nombreuses années. Mais pour aussi louable qu'elle soit, il ne faudra certainement pas attendre grand-chose de l'initiative du chef de l'Etat tunisien. Pourquoi ? D'abord, il faut se rendre à l'évidence que les obstacles qui empêchent l'Union du Maghreb arabe (UMA) de se construire nécessitent bien plus qu'une tournée régionale pour être levés. Ce dont sont d'ailleurs conscients des pays comme l'Algérie et le Maroc qui ont entrepris, depuis près d'une année, de régler leurs problèmes patiemment, les uns après les autres. Ensuite, il serait trompeur de faire croire à l'opinion maghrébine que l'intégration régionale est à portée de main alors qu'un de ses membres, la Libye, plongée dans une guerre civile qui ne dit pas son nom, n'a encore même pas d'Etat. Et, à un degré moindre, le constat peut même être élargi à la Tunisie qui entame une période de transition avec pour toile de fond une crise économique et sociale des plus dures. Et à l'heure actuelle, il n'est pas faux de dire que le «costume» de leader maghrébin que Moncef Marzouki veut à tout prix enfiler peut paraître un peu trop grand pour lui. Du moins, c'est le cas maintenant. En se posant, par contre, comme le porte-flambeau de l'unité maghrébine et de la démocratie, Moncef Marzouki aspire certainement à donner une visibilité et un rôle diplomatique à la Tunisie, cela à défaut de pouvoir peser économiquement, financièrement ou militairement au plan régional ou continental. Le chef de l'Etat tunisien qui pense secrètement, sans doute, qu'une intégration maghrébine accélérée aidera son pays à surmonter la crise, apparaît s'inspirer grandement, pour ce qui est de sa politique étrangère, de l'exemple du Qatar, un petit pays qui est devenu en l'espace de quelques années un acteur incontournable dans le jeu politique arabe et moyen-oriental. Sauf que contrairement au Qatar, la Tunisie n'a pas encore les moyens de sa politique. Mais au-delà, il ne peut effectivement être reproché au chef de l'Etat tunisien – qui est aussi face au défi de se faire réélire à son poste lors de la prochaine présidentielle – de vouloir construire un destin à la Tunisie et, surtout, d'avoir un bilan à présenter le moment venu. En ce sens, l'activisme de Moncef Marzouki contraste avec la déconcertante passivité de l'Algérie. Au moment où l'on parle de profondeur stratégique de l'Algérie, l'histoire retiendra, par exemple, qu'aucun président algérien ne s'est déplacé en Mauritanie, pays où doit se rendre prochainement justement M. Marzouki. Avec une telle manière de faire, il n'est pas étonnant de voir les pays «amis» tomber dans les bras des autres. Pays promu pourtant grâce à ses nombreux atouts à jouer un rôle moteur dans la région et même bien au delà, l'Algérie est devenue, à la longue, craintive, pantouflarde et, pis encore, suiviste. On a l'impression maintenant que pour se prononcer sur un dossier international donné, il faut d'abord demander l'avis ou recueillir l'onction du Qatar. Le pauvre Mohamed Seddik Benyahia, artisan de la libération, en janvier 1981, des otages américains détenus en Iran, doit certainement se retourner dans sa tombe.