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«Le drame de Toulouse doit nous servir d'électrochoc» Fadila Mehal. Chargée de l'égalité et de l'intégration auprès de François Bayrou, membre de son comité stratégique
- Que pensez-vous du drame qui vient de se dérouler à Toulouse ? Quelle tournure va prendre la campagne désormais, alors que l'immigration en a constitué jusque-là un thème majeur ? Les crimes odieux de Montauban et de Toulouse contre des militaires musulmans et des enfants juifs sont une tragédie que tous les Français ont ressentie comme une injure à notre pacte républicain. Qu'un jeune délinquant des cités bascule dans le terrorisme doit interroger toute la classe politique. L'Algérie connaît bien cette problématique car elle a payé un lourd tribut au terrorisme et elle sait combien le déclassement social a été un terreau fertile pour le recrutement des djihadistes. Par ailleurs, en France s'est développé, depuis quelques années, un climat très lourd d'intolérance et de division qui a permis sans doute aux extrémistes de tous bords d'exprimer leurs positions radicales sans tabous. Le drame de Toulouse doit nous servir d'électrochoc. Il faut revenir à la raison et espérer que la tragédie que nous avons vécue nous permette de nous rassembler par un sursaut républicain, pour que les problèmes posés soient résolus sans stigmatisation ni haine de l'autre. L'immigration ne doit pas devenir le bouc émissaire de tous nos maux. La vigilance s'impose pour que les musulmans de France ne fassent pas les frais de ces actes odieux, qui sont l'antithèse de la foi musulmane. - Quel est votre regard sur cette campagne électorale, notamment le débat sur la viande halal et la présence des étrangers en France ? Comme François Bayrou et avec lui beaucoup de nos concitoyens, j'ai été choquée que certains dirigeants s'entêtent à monter les Français les uns contre les autres en désignant des boucs émissaires autour de la figure de l'étranger, coupable de tous les maux. A l'heure où la France et l'Europe traversent une crise sans précédent à la fois financière, économique, sociale et morale, il serait souhaitable que des réponses urgentes soient apportées aux difficultés rencontrées par les Français : dette abyssale, désindustrialisation, illettrisme endémique. Au lieu de cela, il est question de viande halal, de hiérarchie des civilisations… Tout cela fait diversion et nous empêche de nous attaquer aux vrais problèmes. La question de la viande halal relève de la gestion du ministère de l'Agriculture et de celui de la Santé publique. Cette question s'est invitée dans la campagne de façon caricaturale, comme si on voulait rendre les musulmans responsables de toutes les dérives. Heureusement des dirigeants honnêtes, dont François Bayrou, ont arrêté l'escalade en dénonçant ces manœuvres de division. - L'anniversaire du cinquantenaire des Accords d'Evian a donné lieu à des crispations mémorielles, plusieurs débats ont été perturbés, voire annulés. A votre avis, comment peut-on arriver à un apaisement ? La guerre d'Algérie reste une plaie vive pour beaucoup de Français et il n'est pas sûr que cette cicatrice soit complètement refermée. Un Français sur six est, de près ou de loin, concerné par l'Algérie : appelés du contingent, pieds-noirs, harkis, immigrés ou expatriés, beaucoup ont l'Algérie «en partage». Il faut que l'histoire fasse son œuvre et que les mémoires multiples et riches se parlent et amorcent un dialogue fécond. Viendra alors le temps de la reconnaissance de la souffrance de l'autre et de l'amour que chacun a porté à cette terre. L'indépendance de l'Algérie était inscrite dans l'histoire car ce pays a été conquis par le sang et le feu. Jamais un peuple n'abdique sa souveraineté. La France en a fait l'expérience avec l'occupation allemande, elle s'en souvient encore et célèbre cette mémoire. Mais je suis sûre que les nouvelles générations algériennes et françaises vont faire le pari de la paix et de l'amitié. Laissons-les tourner cette nouvelle page ; elles vont regarder cette nouvelle page blanche à écrire ensemble sans les lunettes du passé, ses drames et ses passions. Le temps de l'apaisement est venu, nous devons tous en être les artisans. - François Bayrou est l'homme politique préféré des Français, mais cela ne se traduit pas dans les intentions de vote. Croyez-vous qu'il sera présent au second tour ? J'en suis certaine, il y a trop d'espérance qui est mise sur sa personne et sur sa candidature. J'ai participé à nombre de déplacements avec lui et je peux vous assurer que dans beaucoup de quartiers, notamment les plus populaires, il y a un élan qui n'est pas feint. François Bayrou est aimé et respecté car il ressemble aux habitants de ces quartiers. Comme eux, il a connu les difficultés, les privations et les humiliations, même s'il n'habitait pas la ville. De cette expérience, il a puisé une force et a mis l'être humain au cœur de son éthique et de sa démarche. Il sait parler aux plus faibles. Il les a toujours défendus contre les puissants et les systèmes qui broient les plus fragiles d'entre nous. Et particulièrement, François Bayrou leur a toujours dit la vérité dans un discours de responsabilité : la dette, la financiarisation de l'économie, les abus de pouvoir, la moralisation de la vie publique… il n'a rien caché et en même temps, il a dit clairement que viendrait le chemin de l'espérance. Car le chemin de l'espoir existe et c'est celui d'une force centrale qui prendrait le meilleur de la droite et de la gauche, sans idéologie ni sectarisme. C'est le chemin de l'unité nationale. - La politique étrangère est la grande absente de la campagne présidentielle. Quel est le regard du président du Modem sur le sud de la Méditerranée ? François Bayrou porte un regard positif et bienveillant sur la rive sud de la Méditerranée. Pour lui, la Mare Nostra nous réunit et nous invite à refonder des rapports basés sur des relations équilibrées et égalitaires. La France a beaucoup à partager avec la rive sud de la Méditerranée : une histoire commune, une langue, une culture, une immigration qui pourrait être l'ambassadrice d'un dialogue renouvelé, enfin débarrassé des scories du colonialisme et du paternalisme. François Bayrou est un homme de conviction pour qui la dignité d'un peuple est sa richesse la plus précieuse. Comme il le répète souvent, quand il sera élu, il développera des relations économiques mondiales à partir de deux principes : le nécessaire équilibre Nord-Sud et la recherche d'une véritable réciprocité. Il engagera une nouvelle pratique diplomatique qui rompra avec l'opacité des réseaux parallèles et qui se fondera sur une nouvelle légitimité en renforçant le contrôle du Parlement français. Il proposera le renforcement de la voix des pays en voie de développement dans la gouvernance mondiale en élargissant le Conseil de sécurité des Nations unies et en poursuivant la réforme des droits de vote au FMI et à la Banque mondiale. Sans aucun doute, ces éléments seront de nature à changer profondément les relations de voisinage entre les pays du pourtour de la Méditerranée. Il est sûr aussi que l'Algérie est appelée à jouer un rôle moteur compte tenu de son poids économique et politique. Nos relations bilatérales nées d'un passé commun ne pourront que se renforcer, habitées par une même ambition, celle de faire de nos deux pays des partenaires investis dans une relation gagnant-gagnant.