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De l'Algérien Merah au Français Benzema
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Publié dans El Watan le 27 - 03 - 2012


«… Nous sommes tous d'origine étrangère.»
Christine Boutin, ancienne ministre de Sarkozy, Présidente du Parti chrétien démocrate
On l'aura remarqué, les médias lourds français, télévisions en tête, ont rappelé des dizaines voire des centaines de fois les origines algériennes du terroriste Mohamed Merah, alors que ce dernier est Français né en France de parents Français. Mais en quoi sa prétendue algérianité serait-elle explicative, justificative ou responsable de son comportement criminel ? En rien.
Sens suggéré de cet ultra et violent racisme non dit : un Français pur beurre, c'est-à-dire un Français normal ou, comme il se dit sous cape, un «vrai» Français ne saurait être criminel, terroriste ou même délinquant (dixit, Zemmour dans une grande émission télé : «…la délinquance est le propre des arabes et des noirs...».
Notons au passage que le sieur Zemmour au patronyme si peu français, oublie ses grandes origines étrangères et berbères en particulier. Autre sens suggéré et non dit puisque évident (c'est cela le racisme naturel) un «vrai Français» est incapable de commettre des crimes aussi odieux! Tiens donc ! Et ces dizaines d'assassinats sales et odieux commis en France par «des vrais Français de souche» ! Et ces milliers et millions de Maghrébins, d'Africains, de Kanaks de vietnamiens torturés, massacrés, vendus en bétail humain par ces «vrais Français de souche» ! Et ce poignard de J. M. Le Pen à quoi servait-il sinon à lézarder à vif ses victimes vietnamiennes et algériennes jusqu'à la mort !
Oui, M. Jean Marie Le Pen a été un criminel de guerre comme l'ont été avant lui des milliers d'autres «vrais Français de souche» exécutant pour les nazis les sales corvées en massacrant ce que la haute France avait de plus beau : ses patriotes et résistants à la barbarie nazie.Trouvez autre chose messieurs, trouvez une autre explication que l'origine algérienne de Mohamed Merah pour justifier sa sortie de la normalité humaine. Cherchez plutôt du côté de son cursus social, professionnel et familial dans lesquels l'Algérie ou l'Islam n'ont rien à voir.
Dans son vécu comme dans histoire, Merah est entièrement et totalement Français. Son formatage et son façonnage il les doit exclusivement à la société française dans le bien comme dans le mal.
Il faut assumer cela et comprendre définitivement que les exclusions mènent toujours aux mêmes catastrophes extrêmes, aux mêmes horreurs.
Il faut vite prévenir ces journalistes français, peut-être inconscients – c'est la moindre des hypothèses – que le racisme le plus violent n'est pas celui qui se décline en stupides insultes de caniveaux du genre «Y a trop d'arabes, de noirs, etc.», ou cet autre racisme ordurier «…sale bougnoule, sale négro, sale feuj…». Ces racismes-là ne me dérangent pas. Ils sont immédiatement repérables et identifiables. La France et les Français sont bien dotés pour combattre et contenir ce racisme simplet et ordurier.
C'est l'autre racisme qui m'inquiète. Ce racisme permissif et pernicieux qui se cache dans le naturel et l'ordinaire du langage quotidien. Qui se cache aussi et surtout dans le langage des médias dits lourds qui façonnent et orientent les opinions.
A l'adresse de mes confrères français, je pose tranquillement cette question : pourquoi dans le traitement de l'actualité liée à la délinquance, la petite comme la grande, rappelle-t-on systématiquement l'origine étrangère et exclusivement quand il s'agit de Maghrébins, de noirs et de musulmans en général ? Jamais quand il s'agit de délinquants français d'origine portugaise, espagnole, italienne ou tout autre origine européenne ?
Expliquez-moi pourquoi dans le dire et parler quotidien des journalistes français on dit toujours le Français Zidane en oubliant systématiquement ses origines algériennes, en oubliant ses cinq mille ans d'Histoire berbère qu'il porte, en ignorant ces milliards de musulmans et de non musulmans qui l'adorent, expliquez-moi pourquoi vous lui tricotez toujours et seulement un utérus hexagonal chantant et élevant la seule France qui gagne à chacune de ses apparitions ? La seule fois où il redeviendra pour vous enfin algérien, c'est quand il perdra la boule en en donnant une plus grosse au grand et minable Materazi.
C'était bien la seule fois, Chirac en tête, qu'on rappelât le sang bouillonnant de son algérianité, avec cette attention toute française d'ajouter et de corriger aussi qu'il était seulement Kabyle.
Comme si sa kabylité devait taire ou amoindrir son algérianité ou son arabité. Sachez amis Français, vous qui aimez diviser les Algériens en Kabyles et Arabes, sachez que depuis Tarek Ibn Ziyad et ses lieutenants Ifrane et Yezdia, les deux seuls enfants de la reine juive algérienne et berbère, El Kahina, les Berbères algériens, unis dans l'honneur et la bravoure, comme Zidane, ont conquis et séduit reines et princesses de l'Europe par le cœur, par le talent, par la beauté et l'amour. Ce sont bien des Berbères, comme Zidane, qui ont conquis et séduit l'Europe, France en tête, par le talent, la foi, la science et le don de soi.
Ce sont bien des Berbères qui ont christianisé et évangélisé la France par ces missionnaires anonymes d'abord, ces religieux venus du Sud, par ces trois papes berbères – Victor 1er, Miltiade et Saint Gelasse 1er – et par ces deux cents évêques et cardinaux berbères qui ont donné à la Gaulle païenne sa première religion monothéiste. Qui a transformé les fêtes païennes de Rome et de la Gaulle des Lupercales en Saint Valentin, la première fête de l'amour et du cœur ? C'est un pape berbère, Saint Gelasse 1er. Qui a traduit et latinisé l'Evangile et la messe ? C'est le pape berbère, Victor 1er. Qui a appris aux Gaulois et aux celtes à se chausser, à se tenir droit, à tenir une arme, à ne plus fuir devant un Romain, à se battre, à traverser les Alpes, à se battre et à vaincre ? C'est un Berbère, Hannibal, qui a mis Rome, ses empereurs, ses généraux et ses consuls à ses pieds dans les batailles de Trebbia, de Trasimène et de Cannes.
Qui a apporté à la Gaulle les premières paroles du Christ, ses premières messes et ses premiers prêches en latin ? Des Berbères bien sûr. Des siècles durant après avoir porté auparavant, en Europe, le saint message de Sidna Moussa, Moïse, et fait porter aussi, par leurs descendance, quatorze siècles plus tard, le message humaniste, fraternel et divin de Sidna Mohammed par vous appelé Mahomet.
Alors, de grâce mes amis et frères Français, cessez de dire systématiquement le Français Zidane, le Français Benzema quand il marque un but, le Français Bourras quand il gagne, sinon dites aussi le Français Platini, le Français Ribéry ou le Français Laurent Blanc, ce qui ne se dit jamais. Comme il se dit couramment le Franco-musulman, le franco-algérien, le franco-marocain, le franco-tunisien. Pourquoi ne dit-on jamais le franco-juif ? Le franco-chrétien ? Le franco-athée ? Le Franco-communiste ? Le franco-facho ? Le franco-catho ? Comme on dit et écrit couramment, le sens commun l'ayant banalisé depuis longtemps en CQFD la forme et le style, le français-musulman et plus couramment encore, en style allusif et codé que tout le monde comprend à la première syllabe, le quartier, la banlieue, les jeunes ; comprendre par ces codes les arabes et les noirs sans que les qualités furent prononcées ; c'eut été un pléonasme. On n'écrit plus les arabes et les noirs de banlieues déshéritées. Non, c'est trop long. Les seuls mots de jeunes ou de banlieues ou de quartiers suffisent pour situer le groupe social dont il s'agit. Des délinquants de toute évidence. C'est ainsi que fonctionne généralement le discours de la presse grand public.
Pour illustrer un peu le propos fort juste de Yannick Noah, le plus aimé des Français : «Quand je gagne, je suis le Français Yannick, quand je perds, je redeviens le Camerounais Noah», je voudrais juste rappeler une observation faite sur une télé française d'information en continu, BFM TV, pour ne pas la citer. Durant une semaine, cette télé a bassiné ses auditeurs sur l'imminente victoire du Français Jean Marc Mormeck au dernier Championnat du monde de boxe. J'ai noté 47 fois le rappel de la nationalité française du boxeur noir.
Mais, dans la seconde, oui dans la seconde où le boxeur français fut terrassé par le boxeur ukrainien, la même commentatrice sportive de BFM TV se mit à parler de la cuisante et lamentable défaite du Guadeloupéen Mormeck. Lamentable !
Et si Mohamed Merah avait viré vers un talentueux destin de grand footballeur, d'artiste ou d'acteur comme Dany Boon (Daniel Hamidou pour ceux qui ne le savent pas) ou Kad Merad (Kaddour pour ceux qui ne savent pas non plus) ou d'homme politique de talent de Montebourg, aurait-on rappelé ses origines algériennes ? Pas sûr.
Je ne finirai pas mon intervention sans étayer et illustrer le propos de Mme Christine Boutin, ancienne ministre du Logement de M. Sarkozy que je cite en exergue et dont je partage totalement la droiture morale sans appartenir aucunement à ses inclinations politiques.
La cinquième république française de De Gaulle à Sarkozy en passant par Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand et Chirac a employé plus de 70 ministres dont 26 étaient d'origine étrangère. Ce qui fait la grandeur et la richesse de la France. Mais quels sont les ministres d'origine étrangère que la grande presse française, télévision en tête, a évoqués ou présentés en tant que ministres français d'origine étrangère ? Aucun !
A-t-on une seule fois entendu parler en France des origines irlandaises, polonaises, roumaines, arméniennes, israéliennes, hongroises, espagnoles, italiennes, russes, lettones de certains hauts responsables politiques français ?
Les seuls ministres français dont on évoque souvent, un peu trop souvent, les origines étrangères sont les ministres arabes ou apparentés. Dati en tête, en rappelant des dix et des cents, tantôt sa marocanité ou son algérianité, tantôt sa famille des quartiers, Fadhéla Amara dont on ne dira que son Algérie des voyous ou ses frères alors que c'est une femme talentueuse et brillante, Jeannette (Djennate) dont rappellera le seul mérite d'être fille de harki alors qu'il s'agit d'une femme d'honneur et de classe, de Azouz Begag qu'on présente toujours comme l'égorgeur de mouton dans les baignoires alors qu'il est dans la vraie vie un fin sociologue, un écrivain affirmé et un très bon cinéaste.
Il y en a bien d'autres, par dix, par cent et par mille que je n'ai pas cités ici et dont la grande presse française a souligné l'originalité, c'est-à-dire l'anormalité suggérée d'être cadre supérieur d'appartenir anormalement à la société française. Exactement comme on le fait aujourd'hui pour dire que Mohamed Merah n'est pas Français, n'est pas tout à fait ou complètement français, donc n'est pas des nôtres. Il est nuisible, mauvais et dangereux parce qu'il contient des gènes algériens : la pire des horreurs et des tares héréditaires. Voilà en gros ce que dit la presse française dans ce cas précis de racisme latent et dormant.
Disons tranquillement et simplement à nos frères et amis Français : Mohamed Merah est né Français, il a vécu Français et il est mort Français. Son destin et son parcours misérables n'ont rien à voir avec son algérianité que vous lui attribuez et qu'il n'a jamais eue. Sauf à penser comme Marine Le Pen qui tient si bien de son père ou comme Zemmour, que la criminalité est une affaire de gène et d'hérédité raciale. Quelle horreur !
Alors, Messieurs les journalistes français, vous qui êtes comme toujours les premiers à tirer et les derniers à gagner, commencez par vous corriger un peu.
Apprenez à écrire le «Le Français Merah, l'Algérien Zidane et la sublime Constantinoise Adjani !» SVP, n'oubliez pas d'écrire l'immortel et immense Algérien, le petit Pierre, Ghenaïssia de son nom, juif algérien de Ténès, mort les armes à la main pour la libération de son pays : l'Algérie. J'assume et revendique totalement l'algérianité de Pierre Ghenaïssia comme vous devriez assumer la francité, même exécrable, de Mohamed Merah : un Français odieux. Un Français odieux. Ça existe, non ? C'est cela le seul destin des hommes braves et ordinaires. Est-ce trop vous demander ?


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