Sergueï Lavrov refuse qu'on impose un délai ou un ultimatum au régime de Bachar Al Assad. La Russie – qui a déjà bloqué, avec la Chine, deux résolutions à l'ONU condamnant la répression du mouvement de contestation en Syrie – a une nouvelle fois volé, hier, au secours de Damas en décrétant nulles et non avenues les résolutions de la réunion des «Amis du peuple syrien» qui s'est tenue dimanche à Istanbul et laquelle a notamment exigé d'imposer au régime de Bachar Al Assad un délai pour appliquer le plan de paix sponsorisé par l'ONU. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s'est dit, à ce propos, opposé à tout «délai» ou «ultimatum» pour l'application de la feuille de route onusienne. «Les ultimatums et les délais artificiels sont rarement utiles», a déclaré M. Lavrov à la presse au cours d'un déplacement en Arménie. Pour enfoncer davantage le clou, le chef de la diplomatie russe a estimé que ce n'était pas à la conférence des pays «Amis du peuple syrien», qui a eu lieu à Istanbul, de juger l'application du plan Annan, mais au Conseil de sécurité de l'ONU. «Kofi Annan a reçu un mandat du secrétaire général des Nations unies et du Conseil de sécurité, et ce sera au Conseil de sécurité de juger qui applique et comment ses propositions», a soutenu M. Lavrov. La mise au point russe s'adresse vraisemblablement au Qatar et à l'Arabie Saoudite qui ont fait, ces derniers jours, un intense travail de lobbying pour convaincre la communauté internationale d'armer l'opposition pour hâter le renversement du régime (à défaut d'attaquer la Syrie) et d'accentuer la pression sur le régime de Damas en lui imposant un ultimatum pour appliquer le plan Annan. Pour certains médias internationaux, le but recherché par Ryiad et Doha, à travers ce plan, n'est non pas la promotion de la démocratie mais plutôt l'intronisation d'un gouvernement sunnite à Damas en lieu et place du pouvoir alaouite. Et cela à n'importe quel prix. Un destroyer russe à Tartous Dans la matinée d'hier, le ministère russe des Affaires étrangères a d'ailleurs estimé que la conférence d'Istanbul des «Amis du peuple syrien» avait été en contradiction avec «les objectifs d'un règlement pacifique du conflit» en Syrie. «Les intentions et assurances exprimées à Istanbul en faveur d'un soutien direct, y compris militaire et logistique, à l'opposition armée (...) sont incontestablement en contradiction avec les objectifs d'un règlement pacifique du conflit», a indiqué la diplomatie russe dans un communiqué regrettant, dans la foulée, le caractère «unilatéral» de la réunion à laquelle «le gouvernement de Syrie n'était pas représenté». Moscou n'a pas manqué par ailleurs d'accuser les Occidentaux de tenir pour seul responsable du conflit le régime de Bachar Al Assad et d'ignorer que «les insurgés comptent dans leurs rangs des extrémistes». Et à propos du plan Annan, si les Russes sont d'avis que c'est effectivement au président Bachar Al Assad de faire «le premier pas» en entamant le retrait de ses troupes des villes (le régime syrien a quand même accepté, hier, la date du 10 avril pour appliquer le plan Annan), ils prennent néanmoins le soin d'avertir que «si ce n'est pas suivi rapidement d'actions analogues de la part de ceux qui combattent les forces gouvernementales, il n'y aura pas de résultat». En clair, Moscou préconise également à ce que la pression soit également mise sur le Conseil national syrien (CNS) pour qu'il accepte dans tous ses détails le plan Annan. En attendant que cela se fasse et histoire de montrer encore qu'elle ne lâchera pas Bachar Al Assad, la Russie a ordonné hier à l'un de ses destroyers rattaché à sa flotte de la mer Noire, le Smetlivy, de faire escale dans le port syrien de Tartous.