En déclarant jeudi soir qu'à titre personnel, il votera dimanche pour François Hollande et qu'il ne donne aucune «consigne générale» à ses électeurs, libres de choisir «en conscience», le président du MoDem provoque un véritable séisme politique à moins de trois jours de l'élection présidentielle. La gauche, favorite de ce scrutin, en est confortée ; la droite crie à la trahison. Quant aux militants centristes, ils sont partagés. Paris De notre correspondante La décision de François Bayrou est intervenue alors que les deux finalistes à l'élection présidentielle française de demain, Nicolas Sarkozy et François Hollande, tenaient leurs derniers grands meetings, le premier à Toulon, ville à forte dominante Front national, le second à Toulouse, ville symbolique pour la gauche. La campagne électorale du deuxième tour s'est officiellement terminée hier soir. «Je ne peux pas voter blanc, cela serait de l'indécision et dans ces circonstances, l'indécision est impossible. Reste le vote pour François Hollande, c'est le choix que je fais» a déclaré jeudi soir le président du MoDem, éliminé au premier tour de la présidentielle (9,13%). «Il s'est prononcé de manière claire sur la moralisation de la vie publique dans notre pays, il aura fort à faire. J'ai dit ce que je pensais de son programme économique. Je ne partage pas ce programme», a ajouté M. Bayrou. M. Bayrou a justifié son choix au nom des valeurs humanistes que le centre défend depuis toujours et qui lui semblent, aujourd'hui, en contradiction avec les prises de position de M. Sarkozy. Cette ligne «est violente», elle est «en contradiction avec nos valeurs, mais aussi celles du gaullisme autant que celles de la droite républicaine et sociale», a-t-il souligné. «Je ne suis pas un homme de gauche. Je suis un homme du centre et j'entends le rester», a-t-il souligné, en se disant «certain qu'il faudra le jour venu associer une partie de la droite républicaine à l'œuvre de redressement de la France». François Bayrou a rompu avec des décennies d'alliance entre le centre et la droite. «C'est la dernière étape de la preuve de notre indépendance. Cela va créer un séisme susceptible de faire bouger les lignes», s'est félicité l'eurodéputé MoDem Robert Rochefort, en se disant convaincu que François Hollande sera contraint «au réalisme économique».«Nous sommes comptables de la reconstruction du pays. La crise qui est devant nous est suffisamment importante pour qu'on aille vers le plus grand rassemblement possible», a approuvé l'eurodéputé Jean-Luc Bennahmias. «L'essentiel, a assuré Nicolas Sarkozy sur Europe1, c'est que la quasi-totalité des élus qui soutiennent François Bayrou m'ont rejoint, je les en remercie, pour le reste chacun est libre d'exprimer le vote de son choix».Henri Guaino, conseiller spécial du président Sarkozy, a jugé «blessant et insultant» le discours du centriste. Pour François Hollande, c'est un choix «entre un sortant qui malmène les valeurs de la République et celui que je suis, socialiste et de gauche, qui préserve l'essentiel de ce qui est notre République». «Il n'y a pas d'alliance qui se prépare, il n'y a pas de tractations», a-t-il insisté. A deux jours du vote, Nicolas Sarkozy a jeté ses dernières forces dans la bataille. Le candidat de la droite parie sur une très forte mobilisation des électeurs. Alarmiste à dessein, il a souligné hier qu'en cas de victoire socialiste, la France risquait de connaître la situation économique de l'Espagne. Nicolas Sarkozy a lancé jeudi son «appel de Toulon» au peuple de France pour qu'il se mobilise dans les urnes et «évite» dimanche le «retour au pouvoir d'une gauche» qu'il a accusé d'«abîmer la République» par son «laxisme face au communautarisme, à la délinquance, à l'immigration légale», sa «dévalorisation du travail» et son «refus de l'autorité». François Hollande ne veut pas d'une victoire «étriquée» Pour son dernier grand meeting, il a choisi de s'exprimer à Toulon, terre de droite mais aussi l'une des quatre villes de France gérées dans le passé par le Front national, dont il tente de séduire les 17,9% d'électeurs du premier tour. «Quand l'autorité de toutes les institutions est contestée, quand l'Etat est abaissé, quand les frontières sont effacées, ce n'est pas la République, c'est le système socialiste», a-t-il dit. François Hollande, qui devait passer la journée d'hier dans le département industriel de Moselle, a déclaré : «Si les Français doivent faire un choix, qu'ils le fassent clairement, massivement, qu'ils donnent à celui qui sera investi toutes les capacités et les moyens d'agir, ne faites pas un vainqueur étriqué.» «Les problèmes du pays ne vont pas disparaître avec le départ éventuel de Nicolas Sarkozy, il ne va pas emmener avec lui la dette publique, le chômage, les urgences sociales, je vois bien ce qui m'est demandé», a-t-il ajouté. Dans son dernier meeting, jeudi à Toulouse, le candidat socialiste a fait la promesse d'être «un président qui ressemblera au candidat qu'il est», «un candidat normal, pour une présidence normale, au service de la République». Il a toutefois mis en garde contre la tentation de la démobilisation qui naîtrait des bons sondages en sa faveur : «Rien n'est fait, rien n'est acquis, rien n'est conquis.» Pour sa part, Marine Le Pen, qui a annoncé mardi dernier qu'elle voterait blanc, est déjà en pleine préparation des législatives de juin qui, prédit-elle, verront l'implosion de l'UMP à son profit après la défaite de Nicolas Sarkozy due, selon elle, à son refus de nouer des alliances avec le Front national.