Une coulée de boue de 4 km sur une centaine de mètres de largeur dévale du mont Azrou n'Thor, à plus de 1800 m d'altitude, menaçant les villages en contrebas. Sur les hauteurs du village de Aït Addellah, dans la commune d'Illilten (70 km au sud-est de Tizi Ouzou), des villageois observent, silencieux, le mouvement d'une coulée de boue qui dévale depuis une semaine de la montagne Azrou n'Thor, qui culmine à plus de 1800 m d'altitude. Cette énorme quantité d'eau, de boue et de roches est canalisée dans un talweg, en amont des villages Aït Aïssa Ouyahia et El Had, le chef-lieu de la commune, où les habitations ont été évacuées. Le spectacle est impressionnant. Le talweg, submergé d'une boue épaisse charriant troncs d'arbres et rocaille, semble cacher au regard une rivière souterraine déchaînée d'où montent des bruits sourds pour le moins effrayants. Parcourant près de 4 km sur un lit d'une centaine de mètres de largeur, la coulée emporte tout sur son passage, menaçant ou frôlant des maisons construites aux abords de l'oued qui traverse la localité. Même les clotures ont été ravagées Une dizaine d'hectares de surface boisée ont été ravagés. Les arbres sont déracinés, les vergers et pâturages complètement détruits et submergés. Hier vers 11h, au chef-lieu de la commune, des jeunes tentaient, à l'aide d'un engin mécanique, de déboucher le canal sous le pont enjambant le CW253 obstrué par des roches et des troncs d'arbres charriés par la coulée. «Cette route qui relie Illilten à Akbou (Béjaïa) est presque dégagée. Nous sommes là pour empêcher le canal sous le pont de se boucher», dit le maire d'Illilten, M. Azzoug, rencontré sur les lieux. «En attendant que la coulée de boue s'arrête, nous avons pris des précautions afin d'éviter des pertes humaines surtout. Nous avons évacué plus de 70 familles avec l'aide de la population et de la Protection civile dès les premiers jours. Elles ont été accueillies chez des proches et nous avons préparé un espace, à l'unité de soins, pour un accueil d'urgence», a déclaré le maire d'Illilten. Un avis accroché à un tableau d'affichage, signé par le maire, mentionne la rupture du réseau d'AEP par endroits. Hier encore, des familles continuaient à déménager. «Oui, la peur n'a pas quitté la population. D'autant plus que nous sommes en train d'affronter la situation seuls, sans l'aide de l'Etat, dont la présence aurait pu rassurer les villageois», fulmine un jeune dont la maison a été effleurée par les éboulements. D'après les citoyens interrogés, «des responsables de la wilaya, de la DUC et de la DTP se sont déplacés sur les lieux, mais ils n'ont pu que constater les dégâts». Dépassés par les événements, les responsables locaux ont lancé un appel aux spécialistes du Centre national de recherche appliquée en génie parasismique (CGS) pour expliquer la nature de ce phénomène jamais observé dans la région, a-t-on appris. Rencontré sur les lieux, Aoudj Mohand Akli, dont le bureau d'études a été retenu pour l'élaboration du Plan directeur d'aménagement et d'urbanisme (PDAU) de la zone d'Iferhounene, a estimé que «cette partie d'Illilten sera classée évidemment comme zone d'aléas». Expliquant ce phénomène naturel, le technicien dira : «En montagne, l'eau est souvent emmagasinée dans des cavités. Une fois ces cavités pleines, l'eau ne pouvant plus avancer, elle exerce une pression sur les parois pour se libérer en éjectant des tonnes de boue et de pierres.» Se voulant rassurant, il a ajouté : «Il y a moins de risques sur la population, à présent. Heureusement que la coulée boueuse a été canalisée par le talweg, éloignant la menace sur les villages en contrebas.»