Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Après un retard de plus de 20 ans, l'Algérie se met enfin aux normes internationales en matière de recrutement et de formation des enseignants (tous cycles confondus). Un rappel historique est ici nécessaire. Du XIXe siècle (début de l'école - institution) à la fin des années 1960, le recrutement des futurs enseignants du primaire fixait comme critère de niveau le Brevet. Le postulant signait un contrat de 10 ans avant le passage d'un concours d'entrée à l'Ecole normale d'instituteurs. Une fois reçu à l'écrit, il passait un examen oral en plus des visites médicales. Après 4 ans de formation, il sortait en tant que stagiaire, et devait subir les épreuves du Certificat d'aptitude pédagogique. Un parcours d'obstacles des plus exigeants qui garantissait la qualité professionnelle du futur instituteur. C'est ce parcours que connurent Mouloud Feraoun et Mohammed Dib avant d'enseigner et de devenir des célébrités mondiales. Cet instituteur et ancien normalien, Celestin Freinet, alimente - par ses idées et son œuvre monumentale en pédagogie pratique - la pédagogie universelle, celle que nous commençons à découvrir en Algérie. Il est affligeant d'entendre des officiels parler des instituteurs en termes dévalorisants. Ces dernières années, le discours de certains responsables du ministère de l'Education nationale (MEN) ne cesse d'attenter à la dignité des pionniers de l'école algérienne et dont certains ont décroché les palmes académiques des écoles normales françaises. Ces « élèves ingrats » traitent leurs maîtres, d'enseignants intellectuellement indigents et d'instituteurs au rabais. A partir des années 1970, vu que l'enseignement secondaire s'était généralisé partout en Europe, les autorités scolaires décidaient de relever le niveau de recrutement pour le concours d'entrée aux instituts de formation des maîtres (ex-Ecoles normales) au niveau bac. A l'époque, pour des considérations politiques, l'Algérie optait pour la création des Institut technique de l'éducation (ITE) avec un niveau de recrutement moindre et une formation accélérée. Ce sont ces milliers de sortants des ITE qui seront concernés par cette formation lancée par le MEN. Façon de coller à la tendance mondiale, ni plus ni moins. Encore faudrait-il que le contenu de cette formation soit en phase avec les vrais besoins des enseignants (pédagogie pratique, psychologie de l'enfant, doctrines pédagogiques, didactique) ? Toutefois, au début du lancement, les enseignants se sont vu confrontés à une condition contraignante : le futur formé ne doit pas dépasser les 45 ans. Ce qui veut dire que ceux qui sont les plus expérimentés sont exclus de cette promotion, et elle n'est pas seulement professionnelle mais aussi statutaire. Les futurs diplômés - là se posera le problème de leur évaluation - bénéficieront d'un salaire supérieur à ce qu'ils touchent actuellement. Soit mieux que les vieux routiers du métier - les plus de 45 ans - qui eux resteront englués à leur salaire de misère. Nos aînés nous ont toujours dit que l'administration était ingrate envers ceux qui l'ont servie avec cœur, mais arrivé à un tel niveau d'ingratitude, c'est vraiment inquiétant pour l'avenir du pays. Aux dernières nouvelles, un conseiller du ministre de l'Education a publiquement affirmé que cette contrainte de l'âge n'existe pas. Il s'est exprimé en direct à la Chaîne III lors d'une émission consacrée à la formation des enseignants. Qui dit vrai ? Ce ne serait que justice rendue aux cheveux gris qui ont blanchi sous le harnais du devoir et des sacrifices. Cette contrainte de l'âge était de trop voire tout à fait injuste. Certes, cette formation à distance va coûter cher sur le plan financier. C'est peut-être ce qui a motivé la contrainte de l'âge. Dans ce cas précis, pourquoi ne pas opter pour le système Validation des acquis d'expérience (VAE) ? Il est en vogue dans tous les pays développés. Il permet de capitaliser l'expérience de l'enseignant, de le revaloriser sur tous les plans et d'asseoir le principe d'équité et de justice. Notre pays est le seul au monde à assimiler le travail intellectuel au travail manuel : il donne la retraite d'office à des universitaires âgés de 55 ans - en pleine force de production intellectuelle, les assimilant aux ouvriers des hauts fourneaux ou aux pompiers. Et si l'on faisait le décompte des universitaires algériens retraités et qui continuent à exercer ? Pas chez eux, mais dans les universités de l'Occident, friandes d'expérience et de sagesse professionnelles. [email protected]