Tombé en fin de journée, dimanche dernier, le verdict de l'affaire opposant la direction générale de la Protection civile à la société Elsecom en a surpris plus d'un. Si le parquet a demandé la confirmation des peines de 2 à 3 ans de prison contre 2 des 6 prévenus, la cour a prononcé tout simplement la nullité de procédure. Rebondissements dans l'affaire qui oppose Elsecom à la direction générale de la Protection civile (DGPC) concernant un marché d'acquisition, en 2006, de 120 ambulances pour 640 millions de dinars. La cour d'Alger a prononcé la nullité de procédure de ce dossier qui, faut-il le rappeler, avait fait couler beaucoup d'encre. En effet, c'est à la suite de la plainte de la DGPC que cinq de ses cadres de l'administration et le patron d'Elsecom se sont retrouvés poursuivis pour «violation de la loi relative aux marchés publics et détournement de deniers publics», puis condamnés à des peines de 2 à 3 ans de prison. Le 6 mai dernier, l'affaire a été jugée et, contre toute attente, la cour a prononcé la nullité de procédure. Le procès a eu lieu après que la cour suprême ait accepté les pourvois en cassation de deux prévenus, Herda Mohamed (cadre de la DGPC) et Achaibou (patron d'Elsecom). Lors de leur audition par le juge Tayeb Hellali de la chambre pénale, les deux prévenus étaient aux côtés de quatre cadres de la DGPC (condamnés), qui comparaissaient en tant que témoins dans l'affaire. Face au juge, Achaibou se défend : «J'ai obtenu le marché en bonne et due forme. J'étais le moins-disant et j'ai respecté le cahier des charges. S'il y a une victime dans cette affaire, c'est bien moi. Ils m'ont d'abord refusé les gyrophares parce qu'ils étaient de couleur bleue. Ils étaient bloqués par les services des Douanes. Je ne pouvais ni les exporter ni les dédouaner. J'ai été obligé d'en ramener d'autres, de couleur rouge. J'ai cumulé une perte financière de 200 millions de dinars, sans compter le préjudice moral». Il se demande : «Comment se fait-il que Peugeot et Renault, qui n'ont pas pu avoir le marché lors de l'opération d'adjudication, qu'Elsecom a obtenu sans difficulté, reviennent à la charge pour le remporter avec des prix de loin plus élevés ? Pendant ce temps, nous, Algériens, nous nous retrouvons en détention durant treize jours. Est-ce que ce qui est interdit aux Algériens est permis aux Français ?». Pour Achaibou, «l'affaire a été montée de toutes pièces». Herda Mohamed, ancien directeur des équipements de la DGPC, déclare quant à lui : «Je n'ai rien à voir ni de près ni de loin avec ce marché. De plus, ce dernier a été résilié et la Protection civile n'a rien payé. De quel détournement parle-t-on ?» Il cède sa place à l'ancien inspecteur général, Kaabache, qui avait obtenu un non-lieu après une première condamnation. Selon lui, toute cette affaire a été déclenchée à la suite d'un courrier transmis au ministre de l'Intérieur sur la mauvaise gestion du DG, Mustapha Lahbiri. «J'ai envoyé un rapport accablant au ministre de l'Intérieur et demandé une audience. Le DG en a été informé. Depuis, je suis devenu son ennemi. Il voulait à tout prix m'écarter et me faire mettre en prison», dit-il. Abondant dans le même sens, Aït Mohamed, ancien directeur par intérim (condamné et cité en tant que témoin), parle également de «complot». «Je suis poursuivi parce que j'ai acheté un véhicule auprès d'Elsecom. Je ne connais pas son patron, comment pourrais-je recevoir de sa part des cadeaux ? Cela fait six ans que je suis suspendu de mon poste.» Il surprend l'assistance en affirmant : «Mes problèmes ont commencé lorsque j'ai fermé les vannes des cadeaux, voitures donnés à certains dirigeants et à leurs proches. Le but de cette affaire était de privilégier Renault et Peugeot France. D'ailleurs, juste après la plainte, le marché leur a été donné.» Pour leur part, les avocats ont plaidé l'innocence des prévenus en les présentant comme «des victimes collatérales d'une lutte pour des marchés (…) Quel est le tort de l'inspecteur général ? C'est d'avoir voulu casser la loi de l'omerta en dénonçant son directeur général». Après le réquisitoire du parquet demandant la confirmation des peines, le président met l'affaire en délibéré. Dimanche dernier, il a proclamé la nullité de procédure. Une première, disent les avocats, sachant qu'en matière de détournement de deniers publics, rares sont les procès qui se terminent sans condamnation. Il faut préciser qu'un tel verdict va ouvrir la voie aux autres mis en cause pour revendiquer une réhabilitation, d'autant qu'ils sont suspendus depuis six ans de leur poste de travail, privés de leurs passeports…