Le Proche-Orient traverse actuellement l'une des phases les plus critiques de son conflit vieux de plusieurs décennies. Tout a été fait de quelque manière que ce soit pour orienter le choix des Palestiniens, afin de décréter la mort d'un processus lui-même moribond. Et depuis quelques jours, soit depuis que le Hamas, fort de sa victoire aux élections du 25 janvier dernier, s'apprête à exercer le pouvoir, c'est la guerre, même à petits pas. Une attaque par-ci, un assassinat par-là. Un ordinaire que vivent les Palestiniens, alors que se prépare le déplacement à Moscou d'une délégation du mouvement palestinien Hamas, prévu demain. Le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, qui conduira cette délégation, « n'a pas exclu » une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, dans une interview publiée hier. « Nous aimerions beaucoup rencontrer le président Poutine. (...) Je ne l'exclus pas », a affirmé Khaled Mechaal, dans une interview au quotidien russe Vremia Novosteï, interrogé sur la possibilité d'une telle audience. Au Kremlin, le service de presse a indiqué « n'avoir aucune information » au sujet d'une éventuelle rencontre du chef de l'Etat avec la délégation palestinienne. « La visite a pour objectif de commencer un dialogue, de faire connaître nos positions les uns aux autres », a indiqué M. Mechaal, qui réside à Damas. « Nous voulons informer Moscou de la nouvelle situation en Palestine, après notre victoire convaincante aux législatives, de la création d'un nouveau gouvernement », a-t-il dit. « L'objectif est de mener des consultations et d'échanger nos points de vue. Il n'y aura aucune pression. Et personne n'impose aucune condition », a souligné M. Mechaal. « La Russie peut avancer ses propositions. (...) Nous sommes prêts à discuter de toutes les idées possibles », a-t-il assuré. Le responsable du mouvement islamiste a toutefois laissé entendre que le Hamas resterait intransigeant sur la question de la reconnaissance de l'Etat d'Israël. « L'ancienne direction palestinienne avait reconnu Israël. Et alors ? Quel est le résultat ? Est-ce que quelque chose a changé ? (...) Cela serait une erreur d'insister sur le fait que le problème est dans la reconnaissance (d'Israël) par le Hamas », a affirmé M. Mechaal. Selon lui, pour progresser vers un règlement au Proche-Orient, il est nécessaire « non pas de réclamer au Hamas la reconnaissance (d'Israël), mais de réclamer à Israël de quitter les territoires palestiniens occupés ». Il a par ailleurs espéré que la Russie « ne céderait pas au chantage » d'Israël, mécontent de l'invitation des responsables du Hamas à Moscou. M. Mechaal a encore affirmé que les Européens ne devaient pas s'attendre à un assouplissement de la position du Hamas en échange de l'aide financière européenne aux Palestiniens. « Le peuple palestinien ne peut pas vendre ses revendications légitimes. Il ne peut y avoir de marchandage là-dessus, avec d'un côté de l'argent et d'un autre notre patrie et nos droits. (...) L'aide humanitaire ne doit pas être conditionnelle. C'est inadmissible », a-t-il relevé. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait annoncé, hier, qu'il recevrait personnellement la délégation du Hamas attendue demain dans la capitale russe. Moscou a indiqué vouloir pousser le mouvement islamiste à adopter des positions plus « modérées » lors de ces entretiens. L'invitation par la Russie d'une délégation du Hamas, un mouvement considéré comme terroriste par Israël et les Etats-Unis, avait suscité de vives protestations des Israéliens et un accueil prudent à Washington. Khaled Mechaal, considéré comme un radical, ne semble pas écouter, malgré son discours d'ouverture. C'est le black-out imposé aux Palestiniens désireux de briser un mur d'incompréhension, voire de conspiration. Car en face, la classe politique israélienne engagée dans des élections qui se tiendront le 28 mars avait décidé de montrer son vrai visage. En ce sens, deux députés du Hamas ont été arrêtés hier par la police israélienne à El Qods, a-t-on appris auprès de ce mouvement. Mohamad Abou Teir et Mohamad Totah, élus à El Qods-est lors des législatives du 25 janvier, ont été arrêtés alors qu'ils effectuaient une visite d'inspection à Al Maqassed, principal hôpital palestinien de la ville sainte. Un porte-parole de la police israélienne a affirmé que les deux hommes se livraient à « des activités politiques » alors que des sources du Hamas ont assuré qu'il s'agissait d'une visite de routine. Israël interdit toute activité politique palestinienne à El Qods-Est occupée et annexée en 1967. Sur un autre plan, le mouvement Fatah va décider samedi de sa participation au nouveau gouvernement palestinien dirigé par le Hamas, a affirmé hier Mohamed Dahlan, membre du conseil révolutionnaire du Fatah. Le conseil a convenu de décider le 4 mars de la participation du Fatah au nouveau gouvernement palestinien formé par le Hamas, a indiqué M. Dahlan à la presse. « Le conseil révolutionnaire du Fatah prendra une décision sur la question et enverra ses recommandations au président Mahmoud Abbas », a-t-il déclaré. Mais tout semble fait pour que se constitue cette coalition.