De hauts responsables des Etats-Unis séjournent actuellement au Proche-Orient. Leur mission, est d'essayer de faire appliquer le cessez-le-feu entre les deux parties. Cela se peut-il au moment où les assassinats ciblés de responsables palestiniens ravivent la tension dans la région ? Il y a quelques jours, le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, développait, dans un discours à l'université du Kentucky, la «vision» de Washington quant à une solution du conflit du Proche-Orient. Il n'y pas de doute, les Etats-Unis ont, à l'évidence, des idées quant à une sortie de la crise proche-orientale. Mais se pose toujours le problème de la volonté d'arriver, ou d'imposer, un accord aux deux parties. Et c'est là qu'il existe, en fait qu'il a toujours existé, un décalage entre les déclarations officielles américaines et la situation sur le terrain. Or, la solution du dossier proche-oriental n'est plus militaire, elle ne peut être que politique, par le rétablissement des Palestiniens dans leurs droits. Celui d'ériger leur propre Etat indépendant. Et la guerre, qui se poursuit dans cette région depuis 54 ans, n'a pas d'autre motivation que la satisfaction des revendications et aspirations du peuple palestinien. En envisageant une solution au conflit du seul point de vue de la «sécurité» de l'Etat hébreu, Washington prend, en fait, à son compte la «lecture» que fait Israël des événements. Et c'est là où la politique américaine a montré ses failles et ses limites en ne replaçant pas le dossier palestinien dans son contexte de décolonisation, seul paramètre à même de redonner un sens à leur médiation dans le contentieux proche-oriental. C'est dans ces conditions, avec l'avènement d'Ariel Sharon, que le gouvernement israélien a mis en place une politique d'élimination systématique des dirigeants palestiniens, espérant, sans doute, réduire la cause palestinienne. Maintenant, le fait que Washington ne condamne pas, comme il se doit, les assassinats ciblés de responsables et de dirigeants palestiniens ne peut apparaître que comme un encouragement (certes indirect) à une politique israélienne loin de conforter les espoirs de voir enfin mis un terme au plus vieux conflit armé subsistant encore dans le monde. Le veto américain au déploiement d'une force d'interposition internationale en Cisjordanie et à Ghaza est une autre forme de soutien aux assassinats des résistants palestiniens. Car les meurtres des responsables palestiniens, que rien ne saurait justifier, n'ont aucun rapport avec la légitime défense comme l'ont soutenu des dirigeants israéliens. Avec qui Israël veut donc conclure et signer la paix. Avec un peuple libre ou avec des personnes soumises, quand les Israéliens veulent éliminer physiquement les responsables (militaires) et les dirigeants (politiques) palestiniens seuls interlocuteurs représentatifs de l'Etat hébreu? Washington a dénoncé, assurément, la politique israélienne de meurtre des dirigeants palestiniens, mais cela sous le couvert de l'anonymat. Ce qui enlève à ses condamnations, aussi sincères soient-elles, tout caractère officiel. Un jeu malsain, consistant à sauver les apparences, mais ne remettant pas en cause une politique israélienne délibérément agressive et provocatrice qui ferme toutes les portes au retour à la table des négociations. Vouloir, c'est pouvoir, mais les Etats-Unis, en dépit de leur «vision» sur le Proche-Orient, veulent-ils effectivement contribuer efficacement à la solution de ce contentieux en exigeant d'abord d'Israël l'application des résolutions de l'ONU sur le Proche-Orient, alternative inévitable, pour sortir de l'impasse où l'extrémisme de Sharon avait plongé la région? Une soixantaine de dirigeants palestiniens a été assassinée depuis novembre de l'an dernier, dont le responsable de la branche militaire de Hamas, Mahmoud Abou Hannoud, il y a juste une semaine, ou encore le secrétaire général du FPLP, Abou Ali Moustapha, en août. Ce n'est tout de même pas de cette manière que les Israéliens espèrent trouver un terrain d'entente avec les Palestiniens pour instaurer le retour au dialogue entre les deux parties. Dans cette perspective, Washington a autant un rôle de pondération qu'une responsabilité cruciale dans la mise en application du plan Tenet (chef de la CIA) de restauration du cessez-le-feu. Cessez-le-feu que le conseiller spécial pour le Proche-Orient, le général à la retraite Anthony Zinni, se dit déterminé à faire appliquer, en restant dans la région «le temps qu'il faudra» Comme l'a annoncé le 19 novembre dernier Colin Powell, de hauts émissaires américains le nouveau conseiller spécial pour le Moyen-Orient, le général à la retraite Anthony Zinni et le sous-secrétaire d'Etat adjoint pour le Proche-Orient, William Burns se trouvent depuis lundi dernier au Proche-Orient où ils ont eu des entretiens avec les principaux responsables de la région. En vérité, la sortie de crise demeure liée à la manière avec laquelle les Etats-Unis comptent concrétiser la récente déclaration du président George W.Bush affirmant le droit des Palestiniens à ériger leur Etat. En dehors de ce fait, qui reste à confirmer par des positions sans équivoque, toute action n'allant pas dans le sens du rétablissement des Palestiniens dans leurs droits ne sera, en tout état de cause, qu'une fuite en avant. Aucune paix ne peut être envisagée au Proche-Orient sans l'existence de la Palestine!