Faut-il y croire? Après les innombrables ratages du processus de paix israélo-palestinien, il convient de ne pas se laisser aller à un optimisme sans fondement. Pour beaucoup, la rencon-tre programmée par l'administration Bush autour de la question récurrente de la paix au Proche-Orient, ne serait qu'une ultime tentative américaine justifiant les carences observées ces dernières années et les échappatoires de la communauté internationale pour ne pas attaquer de front un dossier fossilisé à dessein par Israël. Aujourd'hui, on nous affirme que le conflit israélo-palestinien, et plus largement le contentieux israélo-arabe seront abordés dans un esprit nouveau, propre à débloquer un dossier immobilisé depuis des années par l'intransigeance d'Israël revendiquant la terre et la paix. Et c'est là qu'achoppera, une nouvelle fois, le dossier palestino-israélien tant que la communauté internationale -à sa tête les Etats-Unis, l'une des puissances qui parrainent le processus de paix- ne proclame pas clairement ce qu'elle entend par Etat palestinien et sur quel territoire il doit être édifié. C'est la condition sine qua non pour tout débat sérieux sur le devenir d'un contentieux aujourd'hui sexagénaire. Le président américain, George W.Bush, qui a suivi de (très) loin ces dernières années ce dossier qui met en danger l'équilibre géostratégique du Proche-Orient, a réitéré hier sa «vision» de deux Etats vivant côte à côte indiquant dans un communiqué de la Maison-Blanche son «engagement personnel» en faveur de «deux Etats démocratiques, Israël et Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité». «Israéliens et Palestiniens attendent depuis longtemps que cette vision devienne réalité». Certes! Reste maintenant à donner à cette profession de foi, contenu et dimension, ce qui est en fait attendu de la réunion d'Annapolis, dont l'objectif premier est de relancer un processus de paix en panne depuis des décennies, avec à la clé, l'échec de toutes les tentatives en vue d'arriver à un compromis équitable ouvrant sur un accord entre les parties. Aussi, est-il attendu d'Annapolis qu'elle fasse un état des lieux en mettant cartes sur table, avec documents de l'ONU à l'appui, pour étayer à tout le monde la «vision» de M.Bush de deux Etats, «vivant» côte à côte. Or, les colonies juives de peuplement, la barrière de séparation, les multiples barrages militaires qui défigurent la Cisjordanie, ne plaident pas en faveur d'un tel Etat, à moins que l'on veuille édifier un Etat ne disposant pas d'une unité territoriale, ne pouvant être ni fiable ni viable. Si c'est celle-là la vision de George W.Bush, alors on peut estimer que, non seulement il complique la donne orientale, mais ouvre la voie en surplus, à de nouveaux axes favorisant la violence et le chaos dans les territoires palestiniens. Nous n'avons pas entendu le président Bush, ni sa chef de la diplomatie, Condoleezza Rice, insister sur le retour d'Israël à la ligne verte, frontière séparant Israël des territoires palestiniens, au 6 juin 1967, comme d'appeler l'Etat hébreu à détruire la barrière de séparation que la Cour internationale de Justice (CIJ) avait estimé, dans un avis donné en 2005, illégale, ni de mettre en garde Israël contre la poursuite de la construction de colonies de peuplement en Cisjordanie. Car, avant d'aller plus loin, il faut bien s'entendre d'abord sur les contours qui seront ceux du futur Etat palestinien. Le fait même que Palestiniens et Israéliens n'aient pu s'entendre sur un document commun servant de base de travail à la conférence d'Annapolis en dit long quant à la détermination d'Israël de circonscrire la réunion d'aujourd'hui à la seule question de la sécurité de l'Etat hébreu, comme n'ont pas manqué de la réitérer des responsables israéliens à tous les niveaux. Comment peut-on croire enfin qu'Israël est prêt à faire les concessions nécessaires pour parvenir à un accord avec les Palestiniens lorsque le ministre de la Défense, Ehud Barak, a encore réaffirmé en début de semaine, à quelques jours de l'ouverture de la réunion d'Annapolis, que la construction de 3500 logements dans les colonies juives de Cisjordanie, se poursuivra, position qui jure avec celle exprimée ces derniers jours par le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, lequel a affirmé que le maintien du statu quo actuel ne travaille ni pour Israël, ni pour les Palestiniens? En fait, l'échec possible, sinon probable, de la conférence d'Annapolis mettra dans une position fausse tous les Palestiniens, à leur tête le président Mahmoud Abbas, qui ont mis leur confiance, pour ne pas dire leur avenir, entre les mains du président Bush, qui n'est pas pourtant connu comme étant un homme de paix. De fait, le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bild, avant de partir à Washington, où il prendra part à la réunion, a déclaré que M.Abbas risque gros en cas d'échec, indiquant: «Tout le monde a conscience (...) que si les discussions échouent, la situation dans la région se détériorera de manière dramatique.» Aussi, une réunion à blanc sera nuisible, surtout pour les Palestiniens. Dès lors, la question de savoir si Annapolis sera le début de la fin, se pose plus que jamais.