Ni les manifestations estudiantines en plein centre-ville de Montréal, ni le risque de se voir pris en étau entre les étudiants qui bousculent le Québec depuis la mi-févier et la police anti-émeute n'ont empêché les fans de Lounis Aït Menguellet d'être au rendez-vous, vendredi dernier, à la salle L'Olympia de Montréal, 17 ans après son dernier passage au Canada. Ils étaient 1200 venus du Canada, des Etats-Unis et même d'Algérie, pour écouter celui qui a accompagné et accompagne toujours le combat identitaire kabyle et amazigh de toute une génération d'Algériens. Les billets se sont envolés plusieurs jours avant le concert, et ce, bien que beaucoup de fans de Aït Menguellet ne croyaient pas vraiment qu'il allait venir à Montréal. Ils ont toujours en tête le concert annulé de 2007. «C'est vraiment exceptionnel. Les Algériens achètent d'habitude à la dernière minute ou à l'entrée», explique Mourad Mohand Saïd, un proche des organisateurs et ami de Lounis Aït Menguellet. En visite au Canada, Djouher S., une dame âgée, originaire de Tizi Ouzou, était accompagnée de son fils qui vit au pays de l'Erable depuis 21 ans. «Lounis est comme mon fils, si je ne l'aimais pas je ne serais pas venue», explique cette dame. Arezki Aït Ouahioune, du Centre amazigh de Montréal, explique qu'il a exigé de son employeur de ne pas lui «toucher au vendredi !» pour pouvoir assister au concert. D'autres sont venu(es) des Etats-Unis. Nacer Immoune, originaire de Tizi-Ouzou, et Boubekeur Belkadi, de Béjaïa, habitent à Philadelphie. Les deux membres de la Berber American Community en Pennsylvanie ont fait près de neuf heures de route pour venir écouter Lounis Aït Menguellet. «Venir à Montréal, c'est comme revenir au bled, affirment-ils, la communauté kabyle est plus importante qu'à Philadelphie où elle avoisine les mille membres.» Dès l'apparition du poète chanteur sur scène, les 1200 présents se sont levés comme dans une prière collective et l'ont accueilli par une longue ovation ponctuée de youyous de femmes dont certaines portaient des robes kabyles et d'autres le voile. Lounis Aït Menguellet, qui n'oublie jamais un Tanemmirt (merci) à la fin de chaque chanson, a affiché une admiration pour le public présent. «Les gens tiennent à leur culture, même s'ils sont au Canada», a-t-il dit, avant d'entamer son tour de chant en commençant par les chansons d'amour des années 1970, avant d'arriver à ses nouveaux albums, sans oublier les chansons plus «danse». L'orchestre, venu avec lui, était dirigé par son fils Djaâfar. «Le Canada était loin, mais avec une telle communauté, il est devenu proche», a-t-il lancé au public. «C'est plutôt vous qui nous avez rapprochés de l'Algérie», lui répond en écho Khelifa Hareb, un Algérien de Montréal. Comme à l'accoutumée dans ce genre de concert, les associations communautaires profitent de cette opportunité de visibilité pour honorer les artistes. Ainsi, l'association Tafsut et la Coordination canadienne pour tamazight ont remis des trophées de reconnaissance à l'artiste. Les fantômes de 2007 Le passage de Lounis Aït Menguellet à Montréal ne s'est pas passé sans que lui soit rappelé le concert annulé de 2007. Il affirme qu'à l'époque et à la veille du concert, ses médecins avaient diagnostiqué chez lui un problème aux oreilles qui lui interdisait de prendre l'avion. L'organisateur, Mourad Mahamli, a repoché au chanteur de n'avoir pas proposé une autre date pour le concert annulé. «Ce n'est pas vrai, affirme Lounis Aït Menguellet, personne ne m'a demandé de le refaire. D'ailleurs, je ne connais pas ce monsieur. Il a fait affaire avec un agent.» L'affaire a été portée devant la justice française. Elle oppose l'organisateur algérien et l'agente française qui a signé le contrat en 2007. Selon cette dernière, elle aurait remporté l'affaire en appel. «Ni moi ni mon avocat ne sommes au courant», affirme Mourad Mahamli. Pour Lounis Aït Menguellet, cette histoire a trop traîné et il ne veut pas qu'elle porte atteinte à sa réputation. «Je demande à ce monsieur d'arrêter les frais et d'arrêter de me citer tout le temps. J'ai été indulgent, mais là il me pousse à aller vers la justice demander réparation pour diffamation», a ajouté Lounis Aït Menguellet avant de prendre l'avion.