Les groupements d'entreprises ont été remis à l'actualité avec la récente révision de la réglementation des marchés publics qui précise, pour ces entités, certaines modalités en leur qualité de cocontractants. La réglementation des groupements d'entreprises reste cependant souvent méconnue et mérite le développement de cette page à nos fidèles lecteurs. Le fondement des groupements d'entreprises repose sur la volonté de mettre en commun les moyens d'entreprises individuellement limitées avec une capacité renforcée lors du regroupement. Ce que la législation algérienne prévoit Le code de commerce algérien prévoit que deux ou plusieurs personnes morales peuvent constituer entre elles par écrit, pour une durée déterminée, un groupement en vue de mettre en œuvre tous les moyens propres à faciliter ou à développer l'activité économique de ses membres, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité(1). Il faut relever que la possibilité de constituer un groupement d'entreprises ne peut se faire que par l'association de sociétés et que les entreprises individuelles en sont exclues. Cette formule permet aux sociétés, désireuses de se regrouper, de préserver leur indépendance juridique en mettant en commun leurs moyens humains, logistiques et matériels pour développer leurs affaires avec une synergie de communauté de moyens. Les groupements sont d'ailleurs souvent qualifiés d'associations de moyens et d'organes de transparence, car au-delà de l'ambition de sociétés regroupées pour réaliser leurs projets communs avec efficacité, il est nécessaire que chacune des sociétés ait l'assurance que la mise en commun de moyens soit rationnelle et porteuse de profitabilité pour chacun des membres du groupement. Si l'accord doit être écrit, c'est qu'il est forcément un contrat. Sur ce sujet le code de commerce requiert que le contrat de groupement détermine l'organisation du groupement et qu'il soit publié avec des mentions obligatoires comme sa dénomination, celle de ses membres y compris leur forme juridique, leur adresse et leur numéro d'immatriculation au registre de commerce, la durée pour laquelle le groupement est constitué, son objet et son adresse (2). Même s'il n'est pas un contrat de société comme les statuts le sont pour les sociétés commerciales, le contrat de groupement doit prévoir également les conditions d'acceptation et de révocation de nouveaux membres, les attributions de l'assemblée des membres du groupement, les modalités de contrôle de la gestion, les modalités de dissolution et de liquidation. L'originalité du recours au groupement est qu'il permet d'exercer une ou plusieurs activités sans le formalisme imposé par le droit des sociétés. C'est ainsi que même s'il jouit de la personnalité morale et de la pleine capacité à dater de son immatriculation au registre du commerce, il n'a pas pour objectif à réaliser et à partager des bénéfices. La souplesse des conditions de constitution du groupement va même à considérer qu'il peut être constitué sans capital. L'atout de ce type d'entité est fondamentalement dans l'objectif de développer l'activité économique de ses membres qui visent à réaliser individuellement des bénéfices, mais pas au compte du groupement. Au plan fiscal chaque membre, personne morale, est soumis au régime général d'imposition sur sa part des bénéfices réalisés par le biais du groupement. à l'origine, la législation était pour fédérer les entreprises dans le cadre d'une compétition Le code de commerce algérien de 1975 mis à jour par le décret législatif n° 93-08 du 25 avril 1993 a emprunté à la loi française ce que cette dernière avait mis en place en 1967 à la veille de l'ouverture du marché commun pour faire des entreprises françaises des entreprises concurrentielles. Tout en respectant l'indépendance juridique de ses membres, le groupement s'est avéré être un véhicule de concentration de moyens qui a pu fédérer plusieurs entreprises pour des actions de recherche, de réalisations de projets, mais également des modèles de distribution tout en bénéficiant d'une économie d'échelle procurée par la communauté de moyens. En somme, sans être une société, le groupement a été conçu pour apporter les avantages d'un regroupement de partenaires avec les avantages d'une société, tels que la capacité à disposer d'un patrimoine et à contracter avec une plus grande flexibilité. Cette flexibilité est généralement contenue dans les modalités de fonctionnement qui sont prévues au contrat qui reflète plus fidèlement la volonté des membres.A l'inverse de l'utilisation faite en Algérie centrée essentiellement sur la fédération d'entreprises pour développer leurs activités et conséquemment augmenter leurs parts de revenus et de profits, les groupements sont également utilisés dans d'autres pays pour faciliter leurs activités respectives.Tel est le cas des activités susceptibles de procurer aux membres du groupement une optimisation de moyens comme les centrales d'achat ou les centres de recherche et de développement. La législation algérienne a pourtant prévu ce cas de figure. Le groupement doté de la personnalité morale n'est pas exclusif pour le regroupement d'entreprises En effet, au-delà du contrat de groupement prévu par le code de commerce, il n'est pas exclu que les membres préfèrent se soumettre aux règles du groupement contractuel sans création de personne morale et sans inscription au registre de commerce. Dans ce cas les membres créent un groupe d'entreprises sans personnalité juridique, avec le même objectif de coopération et de mise en commun de moyens momentanés ou de longue durée, cette forme étant souvent désignée par ‘consortium'.Ce type de groupement qui est un partenariat correspond, à défaut de précision au contrat, à une société de fait, mais il peut également correspondre à une société en participation. Ces dernières formes présentent l'avantage d'avoir un mode de fonctionnement plus souple, mais n'exclut pas la formalisation de procédures entre les membres. Dans la pratique ce type de groupements est fréquent pour la réalisation d'ouvrages, dans le cadre de marchés publics, notamment ceux assurés par des entrepreneurs étrangers qui se fédèrent sous la forme de partenariat ou de cotraitance. A l'inverse et pour des raisons évidentes de l'opportunité de l'application du droit algérien, chaque fois que les groupements intègrent un partenaire algérien, la tendance est au recours au groupement de droit algérien doté de la personnalité morale. La réglementation des marchés publics précise le recours aux groupements Sous la réglementation initiale, il était prévu que le service contractant puisse confier la réalisation d'un projet en lots uniques ou séparés, à plusieurs partenaires, chacun d'entre eux intervenant pour la réalisation d'une partie du projet. La réglementation actuelle (3) requiert que lorsque l'intérêt de l'opération le justifie, les soumissionnaires ont la possibilité de présenter leur offre dans le cadre d'un groupement d'entreprises, sous réserve du respect des règles relatives à la concurrence. Au plan de la forme cette possibilité doit être prévue dans le cahier des charges. L'article 59 du décret présidentiel n° 12-23 du 18 janvier 2012 précise que les soumissionnaires, dans le cadre d'un groupement d'entreprises, doivent intervenir sous la forme d'un groupement solidaire ou d'un groupement conjoint. Le même article 59 précise que le groupement : -est solidaire lorsque chacun des membres du groupement est engagé pour l'exécution de la totalité du marché et - qu'il est conjoint lorsque chacun des membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché. Dans ce cas, les marchés doivent contenir une clause par laquelle les cocontractants, agissant en groupement, s'engagent conjointement ou solidairement pour la réalisation du projet. Cette disposition implique que le contrat de groupement – forcément préparé en amont - doit prévoir le caractère conjoint ou solidaire du groupement ainsi que la nature, l'étendue et la durée de la solidarité. Le récent amendement de la réglementation des marchés publics3 a également apporté des précisions sur les paiements faits aux groupements : - sur un compte commun, lorsque le groupement est solidaire, ou - sur les comptes de chacun des membres du groupement, dans le cas d'un groupement conjoint, à moins que la convention de groupement en ait disposé autrement. C'est dire combien la formulation du contrat de groupement est importante en matière de conformité et de capacité à contracter en marchés publics. La qualité du contrat de groupement est fondamentale La qualité du contrat est d'autant importante, car le revers de la médaille est que les membres sont tenus des dettes du groupement sur leur patrimoine propre, à moins qu'une convention en apporte les limites avec le tiers cocontractant. Le fondamental est principalement dans l'organisation qui mérite, au-delà du contrat, d'être détaillée dans un accord d'opérations conjointes qui détaille les procédures. Ces procédures sont en fait très similaires à celles qui sont établies en entreprise, mais leur complexité relève du fait d'un alignement lié à la diversité des membres, tant par leur nombre, par leurs activités que par leur origine. Les membres doivent notamment déterminer les pouvoirs dévolus aux administrateurs et convenir du déroulé des opérations d'approvisionnement, de la gestion des actifs immobilisés, des recrutements, de la gestion du personnel, celle de la trésorerie ou celle de la production et bien d'autres domaines qui doivent être répartis et gérés entre les membres. Le secret réside souvent dans l'attribution des responsabilités en fonction de la spécialisation des membres, mais surtout dans celle du chef de file, une sorte de leader de projet qui sera souvent l'interlocuteur des clients contractants. Ce leadership peut atténuer la complexité de la gestion, car il arrive que l'intérêt économique commun soit divergent ou partiellement convergent avec des cultures différentes selon le pays d'origine des membres, tant en matière de gestion d'entreprise que d'environnement. Notes de renvoi : 1- Article 796 du code de commerce. 2- Article 797 du code de commerce. 3- décret présidentiel n° 12.-23 du 18 janvier 2012 notifiant et complétant le décrêt présidentiel n° 10-236 du 7 octobre 2010 portant réglementation des marchés publics.