Le fameux titre phare du groupe Raïna Raï, Zina diri latay, l'une des chansons raï les plus écoutées. Il faut toujours se méfier des titres simplets, ils cachent souvent une histoire originale. Des riffs, mon frère, des riffs en plus. Zina est un ovni, sorti dans un contexte particulier dans les années 1980. Il faut écouter Djilali Amarna, décédé en 2010, dire d'un ton convaincu : «Ils avaient Khaled et d'autres. On voulait leur montrer ce qu'est le raï à tous !» De ce défi est née Zina. Dans la chanson, l'interprète est aux anges, yeux levés au ciel, il jubile, prenant Zina à témoin : «Ya Zina, el fen oua raï khardjine mel Bel Abbès» (L'art et le raï sont issus de Bel Abbès). Comprendre qu'Oran a beau être la capitale de l'Ouest, que Khaled le king y vit et multiplie les succès, elle n'est pas la source originelle du raï. Tout juste une aguicheuse prétentieuse.Le cadre : le raï n'avait pas sa place à la télé et à la radio : impudique, vulgaire, dégénéré, selon les censeurs. Exactement ce que disaient les conservateurs américains du rock. Les cassettes (il n'y avait pas d'albums à l'époque) se vendaient par dizaines de milliers (45 DA). Khaled, cheb en ce temps-là, montre le chemin du lycée à tous les amoureux (Trig lycée). Les frères Rachid et Fethi sont à eux deux Don King. Les chanteurs de raï n'avaient droit qu'à une prise le matin, et la cassette est mise dans le commerce l'après-midi. On nageait en plein Motowon sans le savoir. Khaled portait une moustache descendante, hirsute. Tout le groupe Raïna Raï en portait aussi, plus espiègle. La coupe de cheveux est la même : une botte indisciplinée de fils de fer. Alors, la différence. Les riffs, mon frère. Quand Lotfi Attar prend sa gratte, il la cajole, la fait gémir. Le son vient des profondeurs océanes du guitariste, douloureux et festif, du gnawa, raï et funk dans une seule note. Sur ce coup, le raï est bien sorti de Bel Abbès. Raïna, anciennement les Aigles noirs, et Les Basiles, créent pour leur chanson mythique un clip délicieusement décalé, très attachant de naïveté. Indémodable et innocent. «Raïna Hak», disaient-ils. Et c'est vrai. Rémi Yacine