Il était un enfant terrible de Sidi Bel Abbès. Un kid de la balle des rives de la Mekkerra. Un raïman jusqu'au bout des ongles. Il respirait et transpirait la musique raï dans son insouciance et beauté du diable. C'est Djillali Rezkellah plus connu sous la dénomination « Djillali Amarna » vient de disparaître prématurément( le 6 novembre 2010), à l'âge de 49 ans, à l'issue d'une longue maladie. Il avait officié au sein de la formation Raïna Raï-en remplacement du chanteur Kada-faisant dans le raï electro, la fameuse marque de fabrique de Sidi Bel Abbès, sous les auspices du guitar hero, Lotfi Attar et ce, en 1984. Et puis, parmi le groupe Amarna, à partir de 1986. Pour ceux qui ne connaissent pas Djillali Amarna ou encore Raïna Raï, est cet chanteur qui a crevé le petit écran algérien en juillet 1985, à l'occasion de la fête de la jeunesse, à Riadh El Feth, à Alger. Il avait bousculé l'establishment ambiant en ayant une nouvelle « raïattitude » jurant d'avec l'ancienne et pionnière génération raï plus « geindée » à la manière du tarab el arabi d'Oum Edounia, l'Egypte. Démentant l'aphorisme de Walking Like An Egyptian desBangles, Djillali se distinguera avec une « new sensation raï ». Il était, sous, l'impulsion du band Raïna Raï, le « pionnier » de l'entertainment du raï. Il fallait le voir et l'écouter interpréter Til Taïla revisitée et « custumisée ». C'était beau, frais et jeune. « Djillali était bien sur scène. Il avait compris le message des jeunes algériens qui avaient besoin de bouger et il a imprimé l'esprit de Raïna Raï…C'est une perte pour la musique ! » réagira le grand guitariste et leader du groupe Raïna Raï.
SPEED DEMON Nous sommes en 1985, c'est le parti unique et inique, l'unité de pensée et du reflexe orwelien : Big brother is watching you( le grand frère te surveille). Djillali, à fleur de l'âge, 24 ans, sous la chaleur d'une nuit d'été, imposera une musique revendicatrice, juvénile, fraîche et surtout affranchie du carcan et du règne des chebs( Khaled, Sahraoui et Sahraoui, Hindi, Hamid, Benchenet…). Un style ! Une nouvelle donne dans la musique raï plutôt underground et des cabarets. Djillali se sentait pousser des ailes pour ne pas dire des airs. Entré dans une dimension extatique et voire en lévitation, Djillali souriant et riant, interprétait les hits de Raïna Raï, Ya Zina Diri Latay, Hadga, Lala Fatima ou encore Raïna Hak. La liberté de ton est donnée : Raïna Hak( notre opinion, notre avis est comme ceci !). La grand-messe est dite ! Ainsi, Djillali, est déchaîné, se démènera comme un diable. Sautillant, esquissant des pas de deux, tantôt jouant des karkabous( percus traditionnelles métalliques) tantôt le fameux guellal des chioukhs( percussions) tantôt esquissant un jeu scénique démentiel. Il incarnait un symbole, un signe d'appartenance de la « génération MTV » avec l'éclosion des chaînes satellitaires en Algérie. Il fera aussi sensation au fameuxFestival de la Villette, à Paris, en 1986 avec Raïna Raï. Un autre live d'anthologie. Mais Djillali se surpassera au sein de la formation Amarna de 1986 à 1990. Car plus solid rock, libre et énergique que le registre raï des chebs. Aussi, immortalisera-t-il des morceaux de bravoures tels que Khelouni Nebki Ala Rayi de cheikh M'kaleche, Ana Madert Oualou, Sidi Bel Abbès, Merioula ou encore le patriotique Oued Chouli déjà chanté par la pionnière du raï, cheikha Rimitti. Djillali. Dans les années 1990, il figurera sur l'album de Raïna Raï Mama et Bye Bye sur les titres N'touma et N'stahel. A partir de 2001, il entamera une carrière solo notamment avec l'album Ghaba (naouri). Djillali, mort dans l'extrême dénuement, semble nous « balancer » à la figure les lyrics prémonitoires et lacrymales de Khalouni Nabki Aâla Rayi : « laissez-moi pleurer sur mon sort/Laissez-moi racontez ma jeunesse/laissez-moi pleurer sur mon destin/ô combien ai-je pleuré sur mon mal… ». Paix à son âme !