Notre massif forestier, ou ce qu'il en reste à la suite des incendies ravageurs enregistrés ces dernières années, est livré aux flammes depuis le début de la saison estivale. D'est en ouest en passant par le nord du pays, l'Atlas blidéen, nos forêts s'embrasent, réduisant en cendres un riche patrimoine végétal composé de pinèdes et d'essences centenaires, mais aussi de plusieurs milliers d'hectares d'arbres fruitiers. La faune – les rares espèces animales qui ont pu survivre aux bouleversements écologiques qu'ont connus nos régions montagneuses sous les effets de la déforestation et de l'urbanisation anarchique – est également lourdement menacée par ce désastre. Les services d'intervention de la Protection civile sont dépassés par l'ampleur du sinistre et des départs de feu qui ne se comptent plus. Faiblement équipés en moyens de lutte d'un autre âge, nos soldats du feu n'ont que leur volonté et leur abnégation pour accomplir du mieux qu'ils peuvent leur difficile et dangereuse mission. Il y a quelques jours, deux éléments de la Protection civile ont péri, piégés par les flammes. Du fait du terrorisme, l'aménagement de pare-feu et le débroussaillage de nos forêts ne se font plus comme avant. La mobilisation citoyenne qui permettait aux villageois, avec des moyens de fortune, de faire face à l'adversité, en l'absence de moyens d'intervention lourds basés dans les centres des agglomérations urbaines, a laissé place à une démission collective. Celle-ci s'explique par la multitude des départs de feu qui créent un sentiment d'impuissance et de désarroi au niveau des populations rurales, mais aussi par le divorce consommé entre les pouvoirs publics et les citoyens, lesquels ne se sentent plus concernés par la sauvegarde des biens publics du fait des injustices et des frustrations sociales auxquelles ils font face ; ceci même lorsque le feu est à leurs portes. Ces scènes de vie quotidienne de villageois vaquant normalement à leurs occupations ou attablés au café du village contemplant, impuissants et résignés, les flammes qui dévorent leurs forêts résument l'état d'esprit et le profond désarroi des populations des zones montagneuses, qui se retrouvent seules face à leur destin dans les moments difficiles, comme on l'a vu durant cet hiver particulièrement neigeux. La responsabilité de l'Etat dans la démobilisation citoyenne est aggravée par le retard accusé par la Protection civile en moyens humains et matériels appropriés pour faire face aux aléas climatiques récurrents, ce qui devrait inciter les autorités à intégrer cette réalité dans la stratégie de développement du pays. Nos éléments de la Protection civile en sont encore à lutter contre les incendies à l'aide de lances à eau et autres moyens archaïques quand la situation exige de gros moyens d'intervention terrestre, mais surtout aérienne, pour atteindre les zones montagneuses boisées, difficilement accessibles. Curieux paradoxe d'un pays qui dort sur un confortable matelas de réserves de change alors qu'il ne parvient pas à se doter de ses propres moyens de survie : avions de lutte contre les incendies, chasse-neige ou remorqueurs aptes à intervenir en haute mer pour secourir les navires en détresse !