Nouvelles révélations dans l'affaire Sonatrach : Réda Hamèche, l'ancien chef de cabinet de l'ex-PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, aurait bénéficié de deux virements sur son compte à Paris et d'un troisième sur le compte de son épouse de la part de la patronne du bureau d'études CAD. Le juge vient de clore les auditions autour des réponses des commissions rogatoires et devra remettre le dossier, aujourd'hui, à la chambre d'accusation. Le juge d'instruction a achevé, dimanche dernier, les auditions relatives aux réponses contenues dans les commissions rogatoires qu'il avait adressées à la justice française. Consacrées principalement aux biens à l'étranger de l'ensemble des prévenus, celles-ci font état de révélations qui risquent de donner une nouvelle tournure à l'affaire. En effet, placée sous contrôle judiciaire, Nouria Meliani, directrice du bureau d'études CAD, ayant obtenu le marché de réfection de l'ancien siège de la compagnie à Ghermoul, a fini par affirmer avoir transféré sur le compte de Réda Hamèche en France ainsi que sur celui de son épouse des sommes en euros. Trois en tout. Deux d'un montant de 5000 euros chacune et une autre de 2000 euros. La prévenue aurait expliqué que ces virements constituaient «une aide» accordée à «un ami et son épouse qui étaient dans le besoin». Néanmoins, elle aurait eu du mal à justifier le luxueux cadeau (une Mercedes) qu'elle aurait offert toujours à Hamèche. Axées surtout sur les biens que l'ensemble des prévenus possèdent en France, les réponses de la commission rogatoire font état d'importantes révélations. Ainsi, Nouria Meliani arrive en tête de liste des prévenus les plus riches, détenant plusieurs sociétés offshore et d'autres de négoce ainsi que trois grands appartements dans un quartier huppé de Paris. En fait, la prévenue ne pouvait nier l'existence de virements en devises sur les comptes des Hamèche dans la mesure où le juge l'a confrontée avec les informations transmises sur ses comptes dans le cadre de la commission rogatoire, qui ne s'est pas intéressée, faut-il le préciser, aux comptes offshore dont les bénéficiaires ne sont pas connus. Il est important de rappeler que c'est la troisième fois que le nom de Réda Hamèche est cité dans cette affaire. D'abord dans le rapport de l'enquête préliminaire menée par les officiers de la police judiciaire du Département du renseignement et de sécurité (DRS) le présentant comme «un homme influent sans lequel rien ne se fait au ministère». Lors de leurs auditions, des prévenus ont également parlé de ses nombreuses instructions orales et écrites dans toute décision. Ce qui confirme le rôle important qu'il jouait au sein de la direction générale de Sonatrach et du département de Chakib Khelil, où il était incontournable. Reste à savoir si la chambre d'accusation fera l'impasse sur les nouvelles révélations de Nouria Meliani ou si elle exigera un complément d'enquête pour entendre et confronter Hamèche avec Meliani. En tout état de cause, il est à préciser que les réponses contenues dans les commissions rogatoires ont également fait état de nombreux biens et comptes bancaires détenus par Al Smaïl Mohamed Réda (en détention), patron de Contel-Algérie et du holding algéro-allemand Contel Funkwerk spécialisé dans les équipements de télésurveillance, Mohamed Meziane, ancien PDG de Sonatrach (sous contrôle judiciaire), son fils Réda (en détention) et son épouse. Sur décision du juge d'instruction, l'ensemble de ce patrimoine a été saisi par la justice, qu'il soit à l'étranger ou en Algérie. Le magistrat instructeur avait correctionnalisé le dossier, après avoir annulé l'inculpation d'«association de malfaiteurs». Conclusions que le parquet a rejetées en bloc en se basant sur «la gravité des faits reprochés aux uns et aux autres». Abus de fonction et blanchiment d'argent Les avocats ont, dans leur majorité, soutenu la correctionnalisation et demandé la mise en liberté provisoire au profit de sept prévenus (sur douze) maintenus en détention. Il s'agit de Faouzi et Réda Meziane, les deux enfants de Mohamed Meziane, deux de ses vice-présidents, Benamar Zenasni (chargé de l'activité commercialisation) et Belkacem Boumediène (chargé de l'activité Amont exploration et production), des actionnaires de la société Contel-Algérie et du holding algéro-allemand Contel Funkwerk, El Hachemi Maghaoui (ancien PDG du CPA), son fils Yazid et Al Smaïl Mohamed Réda Djaâfar. Le magistrat a revu toutes les inculpations. Mohamed Meziane, l'ex-PDG, a bénéficié d'un non-lieu pour trois charges sur neuf pour lesquelles il a été placé sous contrôle judiciaire, à savoir «passation de contrat en violation de la loi sur les marchés publics dans le but de donner des avantages non justifiés, corruption, dilapidation et tentative de dilapidation de deniers publics, abus de fonction, conflit d'intérêt et blanchiment d'argent». Son fils Faouzi a bénéficié d'un non-lieu pour cinq inculpations et reste poursuivi pour les délits de «complicité dans la passation de contrat avec une entreprise publique dans le but d'obtenir des avantages injustifiés, abus de fonction et blanchiment d'argent». Deux inculpations – «complicité dans la passation de contrat en violation de la réglementation des marchés publics» –ont été retenues contre son frère Réda. Al Smaïl Mohamed Réda Djaâfar reste poursuivi pour «passation de marché avec une entreprise publique dans le but de bénéficier d'avantages injustifiés et d'augmenter les prix et de blanchiment d'argent». Les charges sont retenues contre Maghaoui El Hachemi et son fils Yazid, alors qu'une seule inculpation pèse sur Meliani Nouria (propriétaire du bureau d'études CAD) et sur Mohamed Sanhadji (sous contrôle judiciaire), ancien directeur des activités centrales du groupe ; il s'agit de «passation de contrat en violation du code des marchés en profitant du pouvoir des agents». Pour leur part, Abdelwahab Abdelaziz (directeur exécutif) et Aït Al Hocine Mouloud (directeur technique des activités commerciales) restent poursuivis, selon l'instruction, pour «passation de contrat en violation de la réglementation des marchés publics dans le but d'octroyer des avantages injustifiés». Les mêmes charges sont retenues contre Rahal Chawki (vice-président chargé de l'activité commercialisation) assorties d'un deuxième délit de «tentative de dilapidation», et contre Benamar Zenasni, auquel le juge a ajouté une autre inculpation, celle de «dilapidation de deniers publics». A Belkacem Boumediene, il est reproché les délits de «passation de contrat en violation de la réglementation des marchés, de dilapidation de deniers publics et d'abus de fonction». Un non-lieu a été décidé par le juge, néanmoins, pour toutes les charges retenues contre Hassani Mustapha (directeur de l'activité Amont), Cheikh Mustapha et Yahia Messaoud. Demain, la chambre d'accusation devra recevoir le dossier et rien n'indique qu'il ne connaîtra pas de nouveaux rebondissements…