Cette juge algérienne vient d'être nommée représentante spéciale du secrétaire général de l'ONU pour les enfants et les conflits armés. Une nomination qu'elle doit à la réussite de sa fonction précédente à la tête de la mission de maintien de la paix à Kinshasa (RDC). Dans son agenda, le Mali, la Libye, la Syrie et le Yémen. Entre autres. Le 1er septembre, Leïla Zerrougui, 56 ans, deviendra la représentante spéciale du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU) pour les enfants et les conflits armés. Sa mission ? Rapporter les violations des droits des enfants lors de conflits armés devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le Conseil des droits de l'homme de Genève ou encore la Cour pénale internationale (CPI). Un mandat diplomatique délicat que cette juge algérienne décrit avant tout comme une chance. «J'ai l'opportunité d'influencer positivement les Nations unies pour la lutte contre les discriminations, les injustices, les inégalités. Ça va être utile !», assure-t-elle. Cette petite dame aux cheveux noirs est désormais la voix des enfants auprès des puissances mondiales. Un peu comme si elle retournait à ses «premières amours». «J'ai fait mon mémoire de fin d'études sur l'enfant et l'infraction, puis je suis devenue juge des mineurs», explique-t-elle. A l'époque, elle s'intéresse à la question de la réinsertion : «Je savais que la famille pouvait être le problème.» Puis l'expérience algérienne lui permet d'être «en avance» sur beaucoup de questions : «Dans les années 1990, les enfants algériens étaient soit des victimes collatérales, soit des cibles privilégiées.» Au moment de la réconciliation nationale, elle participe à l'élaboration des textes qui réguleront la prise en charge des victimes du terrorisme. Défi Pour cette native de Souk Ahras, toute difficulté n'est qu'un défi de plus. C'est probablement sa ténacité qui lui a permis de gravir une à une les marches jusqu'à l'ONU. D'abord juge des mineurs en Algérie puis juge de cour d'appel, elle devient conseillère juridique au cabinet du ministre de la Justice en 1998. Elle participe à la rédaction des textes qui indemniseront les victimes du terrorisme. «Pourtant, je ne connaissais pas le président Bouteflika», dit-elle en riant. Parallèlement, elle est membre de plusieurs commissions des droits de l'homme à l'ONU. Elle est désormais considérée comme une experte en matière de droits humains et de renforcement de l'Etat de droit. Et c'est à ce titre que l'ONU la nomme en 2008 adjointe au chef de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco). Impunité Lorsqu'elle quitte l'Algérie, c'est pour travailler dans une région apaisée et consolider les institutions. Mais la réalité du terrain change ses objectifs. Leïla Zerrougui n'est arrivée que depuis quelques semaines quand 150 personnes sont tuées dans la ville de Kiwanja, dans l'est du pays, à moins d'un kilomètre des forces de maintien de la paix des Nations unies. «Les Casques bleus ont été accusés de n'avoir pas protégé les populations. Ils n'avaient pas compris la menace, il y avait des problèmes de communication», explique la juge. Elle s'adapte et commence par mettre en place un mécanisme d'alerte rapide en cas d'attaque. «Il fallait d'abord répondre au besoin de protection des civils», insiste-t-elle. Au fur et à mesure de sa mission, elle réussit, avec ses équipes, à renforcer la chaîne pénale du pays. «Il fallait des enquêteurs, un parquet, une justice et une administration pénitentiaire viables pour lutter contre l'impunité.» La tâche est immense, les résultats longs à obtenir. «Une fois qu'on a construit une justice, beaucoup de problèmes sont réglés. Les pouvoirs sont séparés, une exaction représente un risque, celui d'être condamné, la corruption également», affirme-t-elle. Convictions Leïla Zerrougui est une militante. Elle se bat pour que les droits soient respectés. Contre les conflits, contre l'impunité et parfois aussi pour la cause des femmes. «Pour stabiliser un pays, il faut une population épanouie. Or, cet objectif est impossible à atteindre si le pouvoir de décision reste fermé aux femmes. Si ces dernières étudient, elles doivent avoir accès à des postes à responsabilités !» Ces quatre dernières années, elle était la seule femme au sein du commandement de la Monusco. Si elle a pu avoir accès aux victimes de violences sexuelles et aux prisons pour femme, il n'est pas facile tous les jours d'avoir sous ses ordres des militaires et des policiers. «J'ai des convictions et je crois que les gens l'ont senti, ça m'a aidée dans ma mission», relativise-t-elle. Celle qui traversait le Congo avec un tribunal mobile va désormais vivre à New York. Quand on lui demande si le travail de terrain va lui manquer, elle sourit : « Il faut toujours faire les choses puis s'arrêter, et prendre du recul. Cela nous donne plus de maîtrise.»