C'est une image banale, faisant partie de la vie de tous les jours : celle de ces milliers de jeunes ayant abandonné l'école, regardant passer le temps du bas de leur immeuble et vivant de petits boulots. Les impressionnants taux de réussite au baccalauréat obtenus ces dernières années ne devraient pas faire oublier que des milliers d'adolescents ne parviennent pas au bout du cursus scolaire. D'après un rapport rédigé par Mohamed Sahel, inspecteur de l'éducation nationale, publié en avril 2012, seulement 15% des élèves inscrits depuis la première année primaire atteignent la phase universitaire, alors que 50% d'entre eux abandonnent le milieu scolaire une fois arrivés au lycée. Les taux de redoublement recensés à l'échelle nationale sont excessifs, et ce, quel que soit le niveau d'études considéré. L'échec scolaire est, selon ce même rapport, plus palpable au premier examen auquel sont confrontés les élèves, en cinquième année primaire. Au niveau du collège, notamment en quatrième année moyenne, le tiers des effectifs de chaque classe est composé de redoublants. A en croire le rapport, seulement 67% des élèves qui entrent en 1re année moyenne parviennent jusqu'en 4eAM.Le fait est que le ministère de l'Education considère que sa mission est de garder les enfants à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans, ce qui faisait dire à l'ancien ministre de l'Education, Boubekeur Benbouzid, que le taux de déperdition scolaire était peu élevé. En théorie, le secteur de la formation professionnelle devrait prendre le relais, en formant les recalés de l'école à un métier. Dans les faits, les jeunes exclus de l'école rechignent à rejoindre les centres de formation, du fait qu'il s'agit d'une orientation par défaut et non pas d'un choix. D'autres n'ont pas le niveau requis pour accéder aux formations les plus intéressantes. Il y a, par ailleurs, un grand décalage entre les formations proposées et les besoins des entreprises algériennes. L'année dernière, les exclus de l'école ont boudé les centres de formation. Sur 350 000 places disponibles dans la formation professionnelle seules places ont été pourvues. Le rapport de l'inspecteur Sahel recommande, à cet effet, de créer une école de la deuxième chance, afin de récupérer les élèves qui abandonnent les études en les réintégrant dans le système scolaire ou en leur préparant le terrain afin de compléter leur formation. Les causes de la déperdition scolaire sont généralement liées, à en croire les pédagogues, à la qualité de l'enseignement ainsi qu'aux conditions socioéconomiques de l'élève et de sa famille. Ce phénomène touche surtout les zones rurales, à cause notamment du manque de transport dans les zones enclavées qui sanctionne en premier la frange féminine, une déscolarisation forcée de ces filles victimes d'une mentalité encore rétrograde, une insuffisance d'infrastructures pédagogiques, notamment dans ce milieu rural, une incapacité économique de la famille algérienne à scolariser tous ses enfants et une orientation forcée et précoce des enfants vers le monde du travail pour aider leur famille, sont parmi les principales causes qui engendreraient l'abandon. Le phénomène de la déperdition scolaire est symptomatique du fait que l'école n'est plus perçue comme un moyen de réussite.