Les meilleures horloges atomiques fonctionnant à l'Observatoire atteignent déjà une précision inouïe : 0,0000000000000006 seconde par seconde. En d'autres termes, il leur faudrait 52 millions d'années pour se décaler d'une seconde. L'objectif des recherches est de porter l'écart à 32 milliards d'années. A titre de comparaison, l'âge de l'univers est estimé à 15 milliards d'années. On pourrait croire à un simple défi intellectuel. Le temps n'est-il pas, et de loin, la dimension la mieux mesurée de la physique moderne ? Mais ce serait oublier que la maîtrise du temps devient un enjeu économique. L'industrie spatiale, en particulier, est grosse consommatrice d'horloges de précision. Les systèmes de navigation par satellite, qui ont connu un essor spectaculaire ces dernières années, reposent sur de tels outils. La recherche de la vie sur les planètes récemment découvertes en dehors du système solaire reposera sur des observatoires spatiaux formés de plusieurs satellites volant en formation avec des orbites calées au millimètre. Là encore, il faudra recourir à des horloges de très grande précision. « L'application principale de nos recherches restera la navigation, comme il y a des centaines d'années, à la création de l'Observatoire, lorsqu'il fallait faire des chronomètres. La différence, c'est que cette navigation s'effectuera dans l'espace, et non plus sur mer », relève Philip Tuckey, directeur du département systèmes de références Temps-Espace de l'observatoire. La métrologie du temps compte parmi les domaines d'excellence de l'observatoire, qui conserve une importante activité de recherche souvent méconnue. L'un des principaux axes de recherche consiste dans l'utilisation d'atomes refroidis par laser pour obtenir des fréquences très stables. Les nouvelles horloges mises au point par l'observatoire reposent sur un piégeage par laser des atomes. Englués dans une sorte de mélasse optique, les atomes perdent leur exubérance naturelle et la lumière absorbée lors de leur transition d'un état d'énergie à un autre peut être précisément mesurée. On détermine alors la fréquence de la lumière lorsque l'absorption est maximale. Les horloges les plus précises d'aujourd'hui recourent au césium. L'observatoire travaille actuellement sur le strontium et le mercure. « La fréquence de la transition entre deux niveaux d'énergie est de 9 gigahertz avec le césium, de 400 térahertz avec le strontium. On augmente ainsi la fréquence de la transition d'un facteur 40 000. C'est comme si on passait d'une règle graduée tous les mètres à une autre graduée tous les vingt microns », relève Pierre Lemonde, le responsable scientifique du projet. Pour l'observatoire, ces travaux pourraient à terme conduire à l'adoption d'une nouvelle définition de la seconde, définie depuis 1967 comme la durée de 9.192.631.770 fréquences émises par un atome de césium 133 lorsqu'un de ses électrons change de niveau d'énergie.