La Russie n'a cessé de dénoncer la politique d'«ingérence» occidentale et a bloqué jusqu'à présent toute résolution, ouvrant la porte à des mesures contraignantes pour le régime syrien au Conseil de sécurité de l'ONU. Echaudée par le cas libyen, la Russie, allié traditionnel de Damas, a demandé hier aux pays occidentaux et du Moyen-Orient de «ne pas chercher de prétexte» pour une intervention militaire en Syrie et appelé Damas et Ankara à la «retenue», après un incident à la frontière entre les deux pays. «Lors de nos contacts avec nos partenaires de l'OTAN et dans la région (...), nous les appelons à ne pas chercher de prétexte pour mettre en œuvre un scénario impliquant la force ou lancer des initiatives sur des couloirs humanitaires ou des zones tampons», a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, dans une interview à l'agence Interfax. Dans un incident inédit depuis le début de la crise syrienne, des tirs de l'armée turque ont tué hier un «combattant kurde syrien» présenté par l' Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) comme étant proche de l'organisation du PKK et blessé deux autres. L'accrochage s'est produit dans la province syrienne à population kurde de Hassaka (nord-est), contrôlée par les milices kurdes depuis un retrait sans combat des forces régulières syriennes en juillet. Ankara a souvent accusé par le passé Damas d'avoir «confié» plusieurs zones du nord de la Syrie à des émanations du PKK, considéré comme terroriste par la Turquie, dans une action «dirigée contre» elle. Les Kurdes syriens se sont prudemment engagés dans le soulèvement contre le régime de Bachar Al Assad mais ont tenté de garder à l'abri des violences leurs régions, où les rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) ne sont pas présents. Des pays arabes, le Qatar en tête, ont débattu la semaine dernière à l'ONU des contours d'une éventuelle intervention militaire «arabe» en Syrie. Lundi, le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen, a pour sa part assuré que l'OTAN n'avait pas l'intention d'intervenir dans le pays. La Russie n'a cessé de dénoncer la politique d'«ingérence» occidentale et a bloqué jusqu'à présent toute résolution ouvrant la porte à des mesures contraignantes pour le régime syrien au Conseil de sécurité de l'ONU. Les spéculations sur une intervention en Syrie se sont récemment intensifiées, notamment en raison d'informations selon lesquelles le gouvernement syrien a déplacé des armes chimiques pour les sécuriser. Damas envoie des renforts à Alep Sur le terrain, le régime syrien affichait, hier, sa volonté de porter un coup décisif à la rébellion. En plus d'avoir envoyé des renforts à Alep, l'armée syrienne a mené une offensive dans la région de Damas, où plusieurs villes ont été bombardées. A Douma, ville rebelle au nord-est de la capitale, deux civils ont été tués dans des bombardements des forces gouvernementales au petit matin, selon l'OSDH. Dans le même temps, six soldats ont été tués dans une attaque lancée par les rebelles contre un centre médical dans la ville, accusé par les rebelles d'avoir été transformé en caserne et d'abriter des snipers. Le quotidien officiel Al Baas a évoqué l'approche de «la fin des opérations de sécurité dans l'ensemble de la province de Damas». Les forces gouvernementales «ont détruit de nombreux stocks d'armes et saisi de grandes quantités de munitions et d'équipements dont des mitrailleuses fabriquées en Israël, ce qui augure de l'approche de la fin des opérations de sécurité dans l'ensemble de la province de Damas», selon le journal. Lundi, la rébellion avait à l'inverse affirmé avoir pris des missiles antiaériens longs de plusieurs mètres dans un arsenal de l'armée dans cette province. Les rebelles en perte de vitesse ? Ailleurs dans le pays, à Alep, deuxième ville du pays et enjeu majeur du conflit, le quartier de Hanano City a été violemment bombardé à l'aube, d'après l'OSDH, et de nouveaux affrontements ont éclaté dans la vieille ville, selon des habitants. Six jours après le lancement par les rebelles locaux d'une offensive qui n'a pas permis d'avancée majeure, le journal officiel Al Watan a affirmé que de «nouveaux renforts» militaires avaient été dépêchés à Alep. «Ceci est un signe de la détermination de l'armée syrienne pour gagner au plus vite la bataille d'Alep» face à des rebelles «fatigués», souligne le journal. Lundi, des combats entre soldats et rebelles s'étaient déroulés dans et aux abords des souks d'Alep, classés par l'Unesco et déjà partiellement détruits par un incendie à la suite de combats au début de la semaine. Pour la seule journée de lundi, les violences ont fait 156 morts dont 84 civils selon l'OSDH. Face aux pertes humaines importantes occasionnées par ce qu'il y a lieu maintenant d'appeler une guerre civile, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé depuis New York le pouvoir syrien «à montrer de la compassion pour son propre peuple» et a solennellement mis en garde Damas contre toute utilisation de son arsenal d'armes chimiques. Cet appel a été relayé par Téhéran, principal allié régional de la Syrie, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, ayant souligné en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, que «si cette hypothèse se vérifiait (...), ce serait la fin de tout». «Si un pays quel qu'il soit, y compris l'Iran, utilise des armes de destruction massive, c'est la fin de la validité, de la légitimité (...) de ce gouvernement», a insisté le représentant iranien. Le ministre syrien des affaires étrangères, Walid Mouallem, a pour sa part assuré à la tribune de l'ONU que Damas «croit toujours en une solution politique», tout en accusant les Etats-Unis de tenter d'instrumentaliser la question des armes chimiques, que Damas a reconnu posséder il y a deux mois.