Redéfinir en quelques semaines une nouvelle stratégie pour mettre fin aux effets de trente ans de «désindustrialisation», c'est toute la tâche qui attend le comité de travail mis en place, le mois dernier, pour élaborer une nouvelle feuille de route pouvant relancer le secteur industri Chapeauté par le Conseil national économique et social (CNES) et composé d'une trentaine d'experts, économistes et patrons, le comité a déjà tenu «trois réunions et devrait continuer à se réunir au rythme d'une fois par semaine pour aboutir, d'ici un mois au maximum, à la finalisation de la feuille de route». Toutefois, cette dernière «ne va pas être une révolution en matière de recommandations et de propositions», a en croire une source, membre du comité. Le nouveau ministre de l'Industrie, de la PME et de l'Investissement, Cherif Rahmani, a déjà annoncé la couleur en indiquant que sous sa commande, la PME sera «la préoccupation majeure de la stratégie sectorielle durant les prochaines années», en tant que «moteur de croissance». Une stratégie dans laquelle il préconise notamment un traitement équitable entre opérateurs publics et privés et la réhabilitation des zones industrielles par l'allocation de 30 milliards de centimes à chaque wilaya. Forts de ces orientations, les membres du comité planchent donc «sur tous les aspects qui touchent au secteur de l'industrie et de la PME dans le but de faire des propositions et des recommandations», nous précise la même source. A l'heure actuelle, les débats tournent autour de thèmes comme «la fiscalité, la sous-traitance, les importations…» et à ce titre, des responsables comme le directeur général des impôts, de l'ONS (Office national des statistiques) ou encore du CNIS (Centre national de l'informatique et des statistiques) ont été entendus par le comité, en attendant d'autres comme la directrice de l'Aniref et le responsable de l'ANDI (Agence nationale de développement des investissements).Toutes ces communications et les propositions qui en découleront permettront de «définir une stratégie et un cadre de travail» pour la relance du secteur industriel. Un secteur dont la faiblesse est relevée dans tous les états de lieux qui sont faits, soit par le gouvernement, soit par les organisations professionnelles ou les organismes en charge des statistiques. Récemment encore, l'initiative Nabni notait dans son rapport intitulé «Développement économique et création d'emplois» que «la part de l'industrie dans le PIB est tombée en dessous de 6% à la fin 2011, alors qu'elle s'approchait de 20% en 1985». Elle observait également «une chute des taux d'investissement des entreprises de plus de 30% au milieu des années 1970, à moins de 10% aujourd'hui». Abdelbasset Mesdour, professeur d'économie à l'université de Blida, explique cet état des lieux notamment par la politique industrielle conduite dans les années 1970, dont les effets se font ressentir encore. Selon lui, il y a eu «une erreur stratégique dans le choix des types et des tailles des industries à développer, ainsi que dans le fait de prendre le modèle soviétique pour exemple». Par la suite, les tentatives de réformes avec les restructurations, les privatisations, les assainissements ont échoué car «il n'y avait pas une réelle volonté de mettre l'intérêt national comme premier objectif derrière ces programmes. L'application était très mauvaise, des entreprises ont été vendues au dinar symbolique dans le but d'être détruites. Tout cela au profit d'intérêts privés et étrangers». S'inspirer de l'existant Pour éviter les mêmes erreurs, il s'agit donc de passer au peigne fin les expériences passées. «On ne peut pas tout effacer et recommencer à zéro, puisque les constats sont déjà faits», nous dit le membre du comité. Il sera plutôt question de «recadrer et de réadapter à la réalité des propositions qui existent déjà tout en formulant de nouvelles et en arrêtant des mesures opérationnelles». Pour cela, les recommandations faites par les organisations patronales, comme le FCE ou plus récemment l'initiative Nabni, ou lors des assises de l'industrie en 2007, et même la stratégie industrielle concoctée par Hamid Temmar «seront passées au scanner», nous dit-on. Même si elle a été considérée comme «une coquille vide», la stratégie de Temmar «peut être une référence, car elle a servi à faire un état des lieux. Or, si on veut booster l'industrie, on doit prendre l'existant, le préserver, tout en trouvant une nouvelle approche» et en réfléchissant à de «nouvelles mesures». Il pourrait en être ainsi pour le programme de mise à niveau notamment. «On pourrait, par exemple, en revoir les fondamentaux et mettre en place de nouvelles procédures», selon la même source. Quels secteurs privilégier ? Quelle forme doit prendre le soutien de l'Etat ? Quelle place accorder au partenaire étranger ? Quel rôle pour le privé ?, sont autant de questions qui seront débattues par le comité pour aboutir à un cadre de travail concret. Pour Dr Mesdour, la relance de l'industrie passe par plusieurs mesures à prendre qu'il résume dans «la réalisation de partenariat avec des économies émergentes en Asie et en Amérique latine. La rupture avec une administration bureaucratique, lourde et corrompue, la promotion d'un système bancaire plus flexible, valoriser la PME et l'identification des industries à caractère stratégiques qui peuvent nous permettre de réduire les importations et la dépendance à l'étranger». Tout cela devant être accompagné «d'une application rigoureuse de toutes les lois relatives à la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent, l'évasion fiscale…».