Un communiqué, signé par les trois leaders de la troïka gouvernante, a annoncé l'accord sur un régime parlementaire aménagé et des élections parlementaires et présidentielle le 23 juin 2013. Tunisie De notre correspondant Le parti islamiste Ennahda et ses deux alliés au pouvoir en Tunisie, Ettakattol et le Congrès pour la République (CPR), n'ont finalement pas attendu le 18 octobre pour faire part de l'initiative promise au peuple tunisien et à sa classe politique. Ils se sont empressés d'annoncer via un communiqué publié avant-hier qu'ils sont tombés d'accord sur «un régime politique mixte avec l'élection présidentielle au suffrage universel». «Les élections législatives et présidentielle se tiendront le 23 juin 2013, alors que le deuxième tour de la présidentielle est prévu pour le 7 juillet de la même année», poursuit le communiqué. L'accord comprend également un consensus sur le nom du président de l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE). Lequel nom serait Kamel Jendoubi, mais il n'a pas été déclaré par respect à l'Assemblée nationale constituante (ANC), instance disposant de ce pouvoir de nomination. Les autres membres de l'ISIE seront choisis sur la base de la neutralité, l'honnêteté et l'indépendance. Par ailleurs, dans son communiqué signé par les présidents des trois partis, Mustapha Ben Jaâfar pour Ettakattol, Mohamed Abbou pour le CPR et Rached Ghannouchi pour Ennahda, la troïka s'est entendue sur l'activation du décret 116 portant création d'une instance indépendante de l'audiovisuel, qui restera en place jusqu'à l'institution de la commission de l'information, selon les termes de la prochaine Constitution. Course contre la montre Cette initiative de la troïka était prévue pour le 18 octobre, en commémoration de la grève de la faim entamée le 18 octobre 2005 par des démocrates et des islamistes, notamment Ahmed Néjib Chebbi, Maya Jribi, Abderraouf Ayadi et Mohamed Nouri, contre le régime dictatorial de Ben Ali et pour la liberté de la presse. Histoire de renouer avec cet esprit consensuel entre islamistes et laïcs. Pourquoi la troïka a-t-elle anticipé son annonce ? Durant ces dernières semaines, une extrême tension caractérise la scène politique. Les magistrats sont en sit-in pour l'instance indépendante de la magistrature. Des membres de la Constituante sont en grève de la faim à l'Assemblée contre les dépassements des autorités à Sidi Bouzid. Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l'Union générale des travailleurs de Tunisie (UGTT), est en grève de la faim avec des journalistes et des employés de Dar Assabah, pour la liberté de la presse et la création d'une instance de régulation des médias. La tension sociale est à son paroxysme dans le bassin minier, à Sidi Bouzid, Gafsa et plusieurs autres zones. «Rien ne va plus au niveau politique et, encore moins, au niveau social», constate le politologue Hamadi Redissi. «Le peuple et la classe politique sont restés sur leur faim», poursuit-il. Face à cette tension sociopolitique, la centrale syndicale (UGTT) a fait une proposition pour réunir les différents acteurs politiques autour d'une même table, dans l'esprit des objectifs de la révolution et en rejetant toute exclusion. Ladite initiative est prévue pour le 16 octobre. La troïka était donc pressée soit d'assister à cette réunion ou de lui présenter son initiative. Il y a aussi cette réclamation de la fin de légitimité électorale, le 23 octobre, une année après les élections. «Les partis politiques actuellement majoritaires à l'Assemblée se sont engagés à terminer la rédaction de la Constitution au bout d'une année. Une fois cette échéance dépassée, ils sont dans l'obligation de passer le témoin à une légitimité consensuelle qui veillera sur les prochaines élections, notamment pour les ministères de souveraineté», indique l'ex-Premier ministre et président du nouveau parti, Nida' Tounes, dont la cote ne cesse de monter au sein de l'opinion publique. «La troïka a donc décidé de court-circuiter ces différentes initiatives, en annonçant sa feuille de route, bien avant la réunion prônée par l'UGTT, qui sera obligée de faire avec, surtout que ces trois partis détiennent la majorité à l'Assemblée», souligne Hamadi Redissi qui conclut, tout de même : «La pression de la société a donné ses fruits.»