Le congrès du CPR s'était ouvert vendredi et a été marqué par une lettre du chef de l'Etat tirant à boulets rouges sur les islamistes d'Ennahda. Le parti du président tunisien Moncef Marzouki a maintenu hier à sa tête un ministre démissionnaire après un conflit avec ses alliés islamistes, dans un contexte de tensions grandissantes entre ces deux partenaires au gouvernement. Mohamed Abbou, un avocat de 46 ans qui a connu la prison sous le régime de Zine el-Abidine Ben Ali, a été réélu à la tête du Congrès pour la République (CPR), à l'issue du congrès du parti. Cette réunion s'était ouverte vendredi et a été marquée par une lettre du chef de l'Etat tirant à boulets rouges sur les islamistes d'Ennahda. Ce maintien semble confirmer cette ligne, M.Abbou ayant démissionné fin juin du poste de ministre de la Réforme administrative, estimant que le Premier ministre Hamadi Jebali ne le laissait pas exercer ses prérogatives de lutte contre la corruption. Néanmoins, la motion politique adoptée par le congrès du CPR et déterminant le programme du parti en vue d'élections prévues en 2013 n'a pas encore été publiée, si bien que son positionnement exact par rapport à Ennahda n'est pas encore connu. Le CPR, un second parti de centre-gauche, Ettakatol, et Ennahda ont constitué une alliance pour gouverner la Tunisie après les élections d'octobre dernier ayant formé l'Assemblée nationale constituante (ANC). Mais les tensions se sont multipliées, le président Marzouki ayant lancé un pavé dans la marre avec sa lettre au congrès du parti dans laquelle il accuse les islamistes de visées hégémoniques. «Ce qui complique la situation, c'est le sentiment grandissant que nos frères d'Ennahda s'emploient à contrôler les rouages administratifs et politiques de l'Etat», a-t-il écrit, dénonçant des «pratiques» rappelant «l'ère révolue» de Ben Ali. Plusieurs ministres islamistes ont alors réclamé que M.Marzouki dise clairement s'il soutenait la coalition ou s'il était dans l'opposition. Des journaux tunisiens constataient dès lors hier que la «Troïka» au pouvoir était mal en point. «Moncef Marzouki n'y est pas allé du dos de la cuillère», relève le quotidien la Presse dans un commentaire. «L'incident est majeur. Il est en même temps révélateur de l'état d'esprit de la Troïka au gouvernement, celle-là même qui affichait il y a peu son indéfectible union à toute épreuve», poursuit le journal pour qui «le plus difficile reste à venir». Ce coup d'éclat intervient alors que l'ANC ne parvient pas à un consensus sur une nouvelle Constitution. Sa rédaction était censée s'achever en octobre 2012, mais elle va prendre des mois de retard et le calendrier des élections, prévues en mars à l'origine, s'en trouve bouleversé. Ennahda insiste sur l'instauration d'un régime parlementaire pur, alors que ses partenaires militent pour que la présidence garde des prérogatives importantes. Par ailleurs, l'opposition, la société civile et les médias multiplient les critiques contre les islamistes. Ces derniers sont accusés tous azimuts de chercher à museler la presse, de s'attaquer aux droits des femmes, d'orchestrer une islamisation rampante de la société et de complaisance à l'égard de fondamentalistes religieux responsables de plusieurs opérations coup de poing ces dernières semaines. Enfin, les opposants reprochent à M.Marzouki, un opposant historique à Ben Ali et militant des droits de l'Homme, et au CPR de s'être effacés devant Ennahda. Plusieurs députés du parti ont d'ailleurs fait défection ces derniers mois. L'un d'entre eux, Taher Hmila, a même réclamé mi-août une expertise médicale du chef de l'Etat, laissant entendre qu'il n'avait pas toutes ses facultés mentales.