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L'arbitrage commercial international en droit algérien
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Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2012

Pendant longtemps, le procédé de règlement des différends entre sociétés nationales et étrangères — l'arbitrage commercial international —, était considéré par l'Algérie comme attentatoire à sa souveraineté juridictionnelle, à l'instar des pays nouvellement indépendants et ayant opté pour l'économie planifiée.
A la faveur de la politique volontariste des pouvoirs publics de promotion de l'économie de marché, l'Algérie a adopté l'arbitrage international en instituant un cadre juridique en la matière.
Le droit de l'arbitrage a été institué par le décret législatif n° 93-09 du 25 avril 1993, modifiant et complétant le code de procédure civile. Un chapitre y a été inséré, intitulé, «Des dispositions particulières à l'arbitrage commercial international». Ces dispositions ont fait l'objet des articles 458 bis à 458 bis 28 du code précité. Le cadre juridique de l'arbitrage commercial international a été profondément modifié par la loi n°08-09 du 25 février 2008 portant code de procédure civile et administrative. Il fait l'objet des dispositions des articles 1039 à 1061 de ce code.
Approche d'une définition
L'arbitrage international connaît des différends se rapportant à des intérêts du commerce international. Une des parties au moins, personne physique ou morale, doit avoir son domicile ou son siège à l'étranger. Cette définition, consacrée par le législateur algérien et qui s'apparente à celle retenue par les pays ayant adopté ce mode de règlement des litiges depuis longtemps, notamment la Suisse et la France, se base sur l'existence d'un contrat mettant en jeu des intérêts inhérents au commerce international, d'où l'application de deux critères : le critère géographique et le critère économique. Ces deux critères supposent l'existence de relations commerciales entre opérateurs de deux pays différents. De plus, les intérêts y découlant doivent se rapporter au commerce international.
La convention d'arbitrage se distingue du compromis. En effet, si ce dernier intervient postérieurement à la naissance d'un litige entre des parties signataires d'un contrat commercial, la convention d'arbitrage, elle, est souvent négociée et insérée dans ce contrat sous forme d'une clause compromissoire. En vertu de cette clause, les parties s'engagent à soumettre leurs litiges éventuels, découlant de l'interprétation des clauses du contrat commercial les liant, à l'arbitrage. Bien qu'insérée dans le contrat international, la clause compromissoire ou le contrat d'arbitrage jouit d'une autonomie.
Les dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile et administrative prévoient expressément la forme écrite de la convention d'arbitrage. Quant aux conditions de fond, le législateur algérien les considère réunies, dès lors que la convention est conforme aux règles posées par le droit choisi par les parties, le droit régissant l'objet du litige ou celui que l'arbitre estime approprié. Il est donc clair que le droit algérien laisse la liberté aux parties de choisir les règles juridiques en vertu desquelles doit être appréciée la convention d'arbitrage, adoptant ainsi le principe universel de l'autonomie de la volonté.
En signant la convention, les parties peuvent opter pour l'une ou l'autre des formes d'arbitrage : l'arbitrage ad hoc ou l'arbitrage institutionnel. L'arbitrage ad hoc consiste pour les parties à organiser elles-mêmes la constitution et l'organisation du tribunal arbitral, qui aura à trancher le litige et déterminer les modalités de délibération et d'exécution de la sentence arbitrale. Cependant, l'arbitrage ad hoc est rarement mis en œuvre. Quant à l'arbitrage institutionnel, il se déroule selon les modalités d'organisation du centre de règlement choisi, qui peut être le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), la Chambre de commerce international, etc.
Les juridictions étatiques et le tribunal arbitral
A la lumière des dispositions de l'article 1045 du code de procédure civile et administrative, il apparaît que la convention a pour effet de dessaisir le tribunal étatique uniquement quand une des parties a saisi le ou les arbitres désignés par la clause compromissoire, ou engagé la procédure de constitution du tribunal arbitral. L'incompétence du tribunal étatique n'est cependant pas subordonnée à l'engagement de la procédure devant le tribunal arbitral. En effet, le juge étatique saisi doit renvoyer les parties à mieux se pourvoir, donc à l'arbitrage, en présence d'une convention. C'est ce qui ressort de l'article 2-3 de la Convention de New York du 10 juin 1988 à laquelle l'Algérie a adhéré.
En application du principe de la prééminence des conventions internationales sur le droit interne, il est permis d'affirmer que le juge étatique doit se dessaisir en faveur du tribunal arbitral dans tous les cas. Si le juge étatique ne se dessaisit pas, il appartiendra, alors, à la partie défenderesse de soulever son incompétence à titre in limine litis, c'est-à-dire avant toute défense au fond. A défaut, cette partie sera considérée comme ayant approuvé la compétence du tribunal étatique et renoncé à la convention d'arbitrage.
Le rôle du tribunal étatique n'est cependant pas insignifiant en matière d'arbitrage international. En effet, il peut intervenir pour régler les difficultés liées à la constitution du tribunal arbitral, prendre des mesures conservatoires d'urgence ou apporter son concours à l'administration de la preuve ou encore à l'exécution de la sentence arbitrale, et ce, conformément à l'article 1048 du code de procédure civile et administrative.
La constitution du tribunal arbitral
La constitution de la juridiction arbitrale peut s'effectuer par la désignation d'un seul arbitre comme d'un collège arbitral. Mais compte tenu des intérêts en jeu, les parties favorisent souvent la collégialité qui leur permet de désigner chacune un arbitre.
Ces arbitres doivent, bien entendu, avoir une bonne connaissance des règles de droit applicables au fond du litige. Pour éviter un conflit d'intérêts, les arbitres ne doivent pas avoir, avec l'une ou l'autre des parties, des liens économiques directs ou par personnes interposées. Ces arbitres doivent accepter de manière expresse leur désignation. L'article 1041 du code de procédure civile et administrative laisse l'entière liberté aux parties de désigner les arbitres, si elles optent pour l'arbitrage ad hoc.
Dans la mesure où elles optent pour l'arbitrage institutionnel, la désignation se fera selon le règlement de l'institution permanente. Les parties ont, cependant, la liberté de recruter les arbitres hors des listes constituées par cette institution, le Centre international de règlement des différends internationaux (CIRDI), les Chambres de commerce franco-arabes, etc. C'est en effet en l'absence d'accord entre les parties que les institutions saisies du litige procèdent à la désignation des arbitres selon les règles les régissant. Il arrive parfois qu'interviennent des désaccords liés à la constitution ou au fonctionnement de la juridiction arbitrale. En pareil cas, les dispositions de l'article 1041-1 et 2 permettent aux parties de solliciter le juge étatique compétent.
Droit applicable à la procédure arbitrale au fond du litige et déroulement de l'instance
Le déroulement de l'instance arbitrale est prévu notamment par les dispositions des articles 1043 et suivants du code de procédure civile et administrative. Dès la saisine du ou des arbitres désignés dans la convention ou l'engagement de la procédure de constitution du tribunal arbitral, on est en présence d'une instance arbitrale. Se pose alors la question de savoir quel est le droit applicable à la procédure et au fond du litige ? Le droit procédural applicable résulte du choix des parties. Il peut être déterminé par le tribunal arbitral, à défaut de convention entre ces dernières. Le législateur laisse également la liberté aux parties de choisir le droit applicable au fond du litige. Le tribunal arbitral intervient de manière supplétive quand ce choix n'a pas été effectué par les signataires de la convention.
Il en est ainsi de l'administration de la preuve et des mesures conservatoires pouvant être prises par le tribunal arbitral. Cette juridiction peut solliciter l'intervention du juge étatique pour les difficultés relatives au déroulement de l'instance.
La sentence arbitrale
La dernière étape de la procédure est la sentence arbitrale. A défaut de convention en la matière, la sentence arbitrale est rendue soit par le juge unique soit à la majorité, lorsque le tribunal arbitral est constitué de plusieurs arbitres.
Même si cette majorité suffit à la sentence pour produire ses effets, le tribunal arbitral recherche souvent l'unanimité pour faciliter son exécution. La sentence est définitive, dès lors que le litige est solutionné au fond. Elle acquiert ainsi l'autorité de la chose jugée. La sentence arbitrale doit évidemment répondre à l'exigence de motivation. Elle doit être écrite et signée par les parties. Une fois rendue, la sentence arbitrale devient exécutoire à l'égard des parties.
S'agissant d'une sentence approuvée en général par ces dernières, son exécution s'effectue de manière volontaire. A défaut, elle peut être rendue exécutoire par ordonnance du président du tribunal dans le ressort duquel elle a été rendue ou, s'il s'agit d'une sentence rendue par un tribunal arbitral étranger, par le tribunal du lieu d'exécution, et ce, conformément à l'article 1051 du code de procédure civile et administrative. La compétence de ce juge est donc appréciée en fonction du lieu de situs du tribunal arbitral.
Les voies de recours à l'égard des sentences arbitrales
Les parties peuvent interjeter appel de l'ordonnance du président du tribunal qui accorde la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence arbitrale dans un délai d'un mois devant la cour, et ce, en application de l'article 1057 du code de procédure civile et administrative.Ainsi en est-il, lorsque le tribunal arbitral a prononcé une sentence sans convention ou sur convention nulle, et en cas d'irrégularités constatées dans la constitution du tribunal arbitral ou de l'arbitre unique, sentence non motivée ou insuffisamment motivée, non-respect du principe du contradictoire et reconnaissance ou exécution non conforme à l'ordre public international. De plus, la sentence arbitrale rendue en Algérie peut faire l'objet d'un recours en annulation dans les cas précités. Le recours exercé dans le délai est suspensif. En outre, les décisions rendues sur demande en annulation de la sentence arbitrale sont susceptibles d'un pourvoi en cassation, et ce, conformément à l'article 1061 du code de procédure civile et administrative.
Conclusion
Le mode de règlement des différends liés au commerce international a été institué pour la première fois en Algérie par le décret législatif n°93-09 du 25 avril 1993. La loi n° 08-09 du 25 février 2008 portant code de procédure civile et administrative consacre cette évolution positive dans la perception des problèmes liés au commerce international. En effet, la promotion de l'investissement et des échanges commerciaux avec les partenaires étrangers ne peut pas se concevoir sans un cadre juridique adéquat permettant à ces derniers de faire valoir leurs droits. Les textes législatifs et réglementaires relatifs au développement de l'investissement prévoient, d'ailleurs, qu'en présence d'une convention bilatérale ou multilatérale relative à l'arbitrage, la juridiction compétente pour trancher le différend est celle désignée par les clauses y afférentes. En outre, les accords relatifs à la promotion et à la protection des investissements étrangers conclus avec certains pays ont conforté ce procédé de règlement des différends.
Sur le plan du droit conventionnel multilatéral, il convient de signaler également que l'Algérie a ratifié la Convention de New York du 10 juin 1988 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères et approuvé la Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le centre de règlement des différends en matière d'investissements. A présent, le juge algérien adopte une attitude favorable à l'égard de l'arbitrage international, en rendant exécutoires les sentences arbitrales même en présence d'un partenaire algérien débouté de ses demandes. Bien entendu, la reconnaissance de ces sentences est subordonnée à la preuve de leur existence par celui qui s'en prévaut et à leur conformité à l'ordre public international. L'élaboration d'une convention d'arbitrage n'est cependant pas une fin en soi.
La pratique de ce procédé de règlement des litiges montre parfois que les conventions y afférentes recèlent des imperfections graves, au point où l'on parle de «clauses compromissoires pathologiques».
En outre, la clause attributive de juridiction doit être, autant que faire se peut, claire et précise pour éviter des difficultés d'interprétation. En effet, il n'est pas rare de voir des clauses relatives à la compétence juridictionnelle, dans les contrats signés par des sociétés algériennes et étrangères, suscitant des interprétations différentes.
Dans ce cas, le juge, saisi du litige, doit d'abord rendre une décision avant de dire le droit et se prononcer sur la compétence avant de trancher le litige au fond. Compte tenu de son importance, cette clause d'attribution dite «impulsive et déterminante», conditionne en général l'acceptation de toutes les autres clauses du contrat. Par ailleurs, le choix judicieux des négociateurs du contrat commercial, de la convention d'arbitrage et du ou des arbitres est, à ce titre, primordial.


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