Né le 2 août 1960 à la prison de Tafchoun (Tipaza), Safer Rachid, à 45 ans, se bat encore contre le système pour faire valoir ses droits. En fait, l'histoire bouleversante de Rachid est, depuis sa naissance, jalonnée de douleur et de souffrance. Il pousse son premier cri en détention, dans les insoutenables conditions des geôles de l'occupation française. Sa mère, Ayadi Fatma, militait au sein de l'organisation civile du FLN lorsqu'elle fait la connaissance de Mohamed, militant actif dans les rangs de l'ALN dès 1956 qu'elle épousa avec la bénédiction du front. Terrassé par les effets des séances de chimiothérapie pour traiter une adénopathie cervicale ulcéro-bourgeonnante maxillaire, un terme un peu extravagant pour dire tout simplement tumeur cervicale, Rachid nous narrera son histoire. « Ma mère, alors enceinte de moi, a été arrêtée en 1960, elle fut soumise aux pires exactions. Mon père, que je n'ai jamais connu, connaîtra aussi les affres de la détention et sera transféré par la suite à la prison de Sidi Chahmi (Oran). Après une tentative d'évasion ratée, il récidive une seconde fois en 1961, alors que j'avais à peine une année. Malheureusement, il se fera arrêter et est sauvagement abattu, quelques jours plus tard, aux environs de Saïda. Après sa libération, fin 1961, ma mère me confie à ma tante paternelle et rejoint le maquis auprès de ses frères d'armes. » L'on saura que Rachid a été élevé par sa tante jusqu'en 1975, date de sa disparition. Il nous confiera qu'il n'a jamais été « un bras cassé », selon l'adage populaire, il a même été, il y a quelques années, chef de service dans la chaîne de magasins Districh avant sa mise au chômage. Mais, aujourd'hui, ajoutera-t-il : « Je n'ai aucune ressource ni rente, je vis de la pension de ma mère, et je traîne une tumeur maligne. J'ai tout essayé pour être pris en charge ou même pour recevoir une pension comme tous les fils de chahid. Mon père est un martyr de la révolution et ma mère est une moudjahida, et je suis né en prison sous l'occupation. Jacques Chirac, le président français, m'a envoyé un lot de médicaments et le ministre français des Affaires étrangères m'a saisi également par courrier. » Après un long silence, entrecoupé de soupirs insoutenables, Rachid nous dira : « J'ai une tumeur, en désespoir de cause et d'un acte brusque, il l'exhibera. Tous les médecins insistent sur la reprise urgente des séances de chimiothérapie. Je ne demande pas l'aumône, juste une aide pour vivre et une prise en charge sanitaire. » Après un long silence, comme si la foudre s'est abattue sur les lieux, Rachid se lève et avant de quitter la rédaction du journal, il lâchera dépité : « Kayane rabi. »