Les Rencontres Jean Sénac organisées par les centres culturels français d'Alger et d'Oran ont débuté par un pèlerinage à Beni Saf où une halte a été observée à Ghar El Baroud, lieu de naissance du poète. Du moins, lieu supposé de sa naissance, puisque d'autres Benisafiens prétendent qu'il serait né à Boukourdan, un quartier situé dans le périmètre de la ville. Cette mémoire peu certaine s'explique par le fait que Sénac n'avait vécu que les 8 premiers mois de sa vie à Beni Saf. Ghar El Baroud est demeuré un douar à la périphérie de la ville. Mais ses anciennes masures dont il ne resten que des ruines ont cédé en grande partie la place au parpaing et au béton. C'était un douar habité par les Rifains, des Espagnols, des Arabes et et des Gitans, constituant un lumpen prolétariat dont faisait partie Jeanne Marie Comma, la maman de Sénac. Le poète y est revenu 46 ans après sa naissance à une année de son assassinat. Jacques Miel, son enfant adoptif, était ce mardi du voyage aux sources. Il n'avait jamais mis les pieds à Beni Saf, mais il a découvert que l'endroit ressemblait fort à la mechta que lui a décrite « la mère ». Il nous exprimera sa joie de voir que les Algériens ont finalement commencé à reconnaître en Sénac un de leurs plus grands poètes. « Je suis particulièrement ému de me retrouver à Beni Saf qui est son lieu de naissance mais particulièrement ses racines, des racines espagnoles bien qu'il ait opté pour l'Algérie. Il a été de tout cœur pour l'Algérie. Il a cru, et il a eu peut-être raison de croire même si cela ne s'est pas réalisé, que l'Algérie deviendrait un beau pays, un pays du peuple. » Aussi, espère-t-il que le retour de Sénac dans l'actualité algérienne constitue un renouement avec une certaine fraternité perdue et que cela ne soit pas simplement un de ces feux qui s'enflamment sans lendemain. Une très belle histoire Pour Aldo Herlaut, directeur du CCF d'Alger, initiateur des Rencontres Jean Sénac, l'histoire de Jean Sénac est « une très belle histoire. mais, c'est quand même un martyr. Il l'a voulu, pas voulu, je n'en sais rien. Il ne me revient pas de le dire. Avec Brahim Hadj Slimane, on s'est dit, pourquoi ne pas réunir autour de Sénac, 30 ans après sa mort, des gens qui l'ont connu ou qui auraient aimé le connaître, des gens qui aiment la poésie. Mais j'aimerais que cette réunion serve à ce que les gens se revoient et donne lieu à une espèce de brassage. Car la qualité première de Sénac est celle d'être un rassembleur et un passeur d'idées véhiculant en outre des intentions artistiques. Sa mort est une tragédie. Sur cela, la justice a tranché. Je n'adhère pas aux thèses qui sont faites là-dessus et qui ont donné lieu à un mythe sur son assassinat. Je n'y adhère pas, même si je ne suis ni juriste ni historien. En effet, quand on parle avec ceux qui l'ont connu de très près, comme Annie Steiner, Jacques Miel ou Boudjedra, eh bien, ils disent que son meurtre relève du délit de droit commun ». Notons que pour cette visite du souvenir et de la communion, une cinquantaine d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes avaient fait le déplacement. Parmi eux, il y avait Rachid Boudjedra, Malek Alloula, Laghouati, Ali Akika, Amine Nacer Khodja, Bouziane Ben Achour, Jacques Cherandez, Sehaba Mohamed, Abdou Ghalem et Yahia Belaskri.