La réforme de l'ONU : voilà un thème de discussion pourtant bien simple par les enjeux qu'il renferme, mais inépuisable par les questions de procédure auxquelles il est renvoyé. Et pour cause, tout est lié, et en la matière, la partie la plus visible est la gestion des affaires du monde. Un vote et le monde peut vaciller. L'inverse est tout aussi vrai en ce sens qu'il maintient un certain statu quo, tout cela au nom de la légalité internationale que cela peut procurer. Un tel débat renvoite pratiquement au sommet des pays non-alignés tenu à Alger en 1973 et dont la résolution majeure était la revendication d'un nouvel ordre international. Et tout ce qui devait ête mené ou déclaré dans les années suivantes procédait de cette intention de démocratiser les relations internationales, de casser le face-à-face de l'époque marqué par ce qu'on appelait l'équilibre de la terreur, et depuis la fin du monde bipolaire, la substitution du multilatéralisme à son exact inverse, c'est-à-dire l'unilatéralisme dont on constate plus que les limites, les dégâts. C'est dire la récurrence de ce débat que des puissances jusque-là insensibles ou pas du tout intéressées entendent reprendre et lui donner de la voix pour mieux se faire entendre. Et de ce point de vue, l'opération orchestrée par l'Allemagne, le Brésil et le Japon notamment a réussi à briser ce mur du silence avant d'affronter les choses dites sérieuses. Il ne s'agit pas, en effet, de vouloir être membre du Conseil de sécurié pour décrocher le bon ticket. L'énumération des critères comme un CV ne porte pas plus de chance. Il suffit de se rappeler que l'ONU avait été bâtie sur un rapport de force par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale avec cette précaution de verrouiller l'accès aux différentes fonctions et aux attributions des futures instances onusiennes, tout en prenant soin de désigner les puissances ennemies pour s'en convaincre. Il n'était donc pas étonnant de conclure à la difficulté de cet exercice quarante-huit heures à peine après la rencontre quadripartite de New York. Comme s'il s'agissait de rendre compte d'un verdict, la Chine, un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, annonçait hier qu'il n'y a pas encore de consensus au sein des Nations unies pour élargir le nombre de sièges permanents au Conseil de sécurité, alors que la France et la Grande-Bretagne ont soutenu jeudi la candidature de l'Allemagne, du Brésil, de l'Inde et du Japon. « L'élargissement du Conseil de sécurité touche aux intérêts de toutes les parties, et il existe des divergences importantes », souligne-t-on encore à Pékin qui sait de quoi il en retourne très exactement, la Chine n'ayant obtenu son siège qu'après l'exclusion de Taiwan, elle-même décidée après la reconnaissance de ce pays après la normalisation sino-américaine. Depuis 1971, la Chine est l'un des cinq membres permanents du Conseil disposant d'un droit de veto, aux côtés des Etats-Unis, de la Russie, de la Grande-Bretagne et de la France. Moins diplomatique et plus directe, la presse de Pékin faisait valoir hier qu'« il faut plus que de l'argent pour un siège à l'ONU », visant le Japon. Tokyo contribue pour 20% au budget des Nations unies, soit plus qu'aucun autre gouvernement à l'exception de l'Administration américaine. Le Conseil de sécurité, à l'exception du passage du nombre de ses membres de 11 à 15 en 1963, n'a pas été modifié depuis 1945, quand l'Onu ne comptait que 51 membres. Elle en compte aujourd'hui 191, et on reproche à ses instances de ne plus être adaptées au monde contemporain. Il serait faux de parler de querelles sans fin, mais la guerre contre l'Irak reflète la persistance de certains conflits comme la question du Proche-Orient traitée au gré des seuls intérêts, démontrant la faillite sinon les limites d'un système et même les dangers qu'il peut comporter que la communauté internationale ne peut dénoncer par respect de ce qui est supposé être la légalité internationale qui reste sans conteste, le résultat d'un rapport de force. C'est pourquoi l'élargissement du Conseil de sécurité pour qu'il reflète mieux le monde actuel et la lutte contre le terrorisme a dominé les débats jeudi à l'Assemblée générale de l'Onu. Deux poids lourds sur leur continent respectif, l'Allemagne et l'Inde, candidats déclarés à un siège permanent au Conseil, ont plaidé vigoureusement leur cause, mais deux « grands » du Conseil, les Etats-Unis et la Russie, sont restés réservés sur ce sujet. Et l'Italie, qui n'est pas membre du Conseil et est notoirement hostile à la candidature allemande, a marqué son opposition, préférant une augmentation du nombre des membres non permanents. A vrai dire, l'opposition italienne n'en est pas une, car la seule qui soit véritablement valable, c'est celle des membres permanents actuels du Conseil de sécurité, les seuls à autoriser une réforme de l'ONU, et par voie de conséquence un élargissement de cette instance onusienne avec une définition précise du statut des éventuels nouveaux membres. La précision s'impose, puisque des idées, et rien d'autres, sont avancées parfois en relation avec les crises qui affectent le monde. Il se trouve à cet égard qu'un Allemand au moins fasse de l'opposition. Il s'agit de l'ancien chancelier social-démocrate Helmut Schmidt qui juge dans ses mémoires que « ce n'est pas dans l'intérêt de l'Allemagne d'être impliquée dans une décision importante de faire la guerre ou la paix n'importe où dans le monde, et de devoir prendre la responsabilité des conséquences de cette décision ». Il reste que son pays, comme le Japon, l'Inde et le Brésil, aspire à un rôle qui soit en conformité avec sa puissance réelle ou supposée qu'elle soit économique, financière ou tout simplement démographique. Cela voudra dire, un partage de la décision laquelle, quoi que disent certains pays, est un immense privilège qu'il sera difficile de céder. Et c'est pourquoi un tel débat pourra tout simplement en appeler d'autres avec d'interminables questions de procédure fondées ou juste pour retarder la décision ou non. A son corps défendant, l'ONU a été utilisée pour cautionner ce qu'elle aurait certainement condamné. L'élargissement du Conseil de sécurité ne pourra signifier qu'un partage de l'acte décisionnel. Ceux qui le détiennent actuellement en accepteront-ils le principe ?