Le héros de la révolution orange, Viktor Iouchtchenko, triomphalement investi à la présidence ukrainienne, il y a quatorze mois, n'est plus le maître de Kiev. Son parti, Notre Ukraine, vient de se faire battre à plate couture aux élections législatives de dimanche. Selon les résultats officiels portant sur 50,12% des bureaux de vote, Notre Ukraine (coalition présidentielle) n'a pris que la troisième place avec 16,98% des voix. Notre Ukraine reste donc loin derrière l'opposition pro-russe, qu'il a chassée du pouvoir en 2004. Le Parti des régions, mené par Viktor Ianoukovitch (pro-russe), a remporté 27,38% des suffrages. Le bloc de Ioulia Timochenko, l'ancienne alliée de Iouchtchenko, a réuni, pour sa part, 24%. Le scrutin a été considéré comme démocratique par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et par la Commission européenne. Forcé de partager le pouvoir, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko n'a eu d'autre alternative que de charger, hier, son Premier ministre Iouri Ekhanourov de négocier la création d'une nouvelle coalition parlementaire « stable ». Le président ukrainien n'a d'autre choix, en effet, que de composer avec ses principaux rivaux pour pouvoir mener sa politique pro-occidentale. Cela d'autant que le nouveau Parlement, renforcé par une réforme récente, formera la majorité du gouvernement. Le président ukrainien devrait, tout logiquement, choisir ses alliés entre le pro-russe Viktor Ianoukovitch et Ioulia Timochenko qu'il avait limogée du poste de Premier ministre, il y a six mois. Mais autant dire que les négociations devant mener les trois partis victorieux à ces élections législatives à un consensus seront âpres. Car même si les anciens partenaires pro-occidentaux de la révolution orange se sont déclarés prêts, hier, à réunifier leurs rangs, après le retour en force de l'opposition pro-russe aux législatives, il ne faut pas oublier que Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko sont comme chien et chat. En septembre dernier, le président Iouchtchenko avait, rappelle-t-on, limogé sa Première ministre en l'accusant notamment de trahir les idéaux de la révolution orange. Et si, aujourd'hui, il s'avère que le président ukrainien a besoin de son ancien « bras droit » pour maintenir en vie la révolution orange, nombre d'observateurs pensent qu'il serait plus susceptible de s'allier avec Viktor Ianoukovitch qu'avec Ioulia Timochenko, au vu de la haine personnelle qui les oppose. Cela à plus forte raison que la « pasionaria » de la révolution orange ne songerait qu'à la vengeance. Autre fait important : la « guerre » annoncée pour le pouvoir entre les architectes de la révolution orange pourrait arranger les affaires de l'opposition pro-russe, qui redevient, en l'espace d'une année, le balancier de la politique ukrainienne. Et à ce propos, l'on s'explique pourquoi les résultats de ces élections législatives commencent à susciter des sueurs froides à l'Ouest, devant le regard amusé de Moscou.