Encouragés par le soutien de l'Occident, les partisans du candidat Viktor Iouchtchenko paralysent tout le pays et revendiquent une révision des bulletins de vote. La Cour suprême accède à leur souhait et suspend la publication des résultats officiels. L'Ukraine vit, depuis dimanche, au rythme de la contestation populaire. La décision de la Cour suprême de suspendre la publication des résultats officiels jusqu'à la révision des bulletins de vote n'a fait que rajouter à la détermination des partisans de Viktor Iouchtchenko. Des rassemblements devant la présidence et le parlement et l'occupation des principales places publiques, l'opposition est passée au stade de la grève générale. L'appel de Viktor Iouchtchenko a eu un grand écho auprès du corps enseignant, qui n'a pas tardé à déserter tous les établissements scolaires à travers le pays. Il n'en demeure pas moins que l'Ukraine est partagé en deux. L'Est prorusse, minoritaire, soutient le candidat de Moscou, alors que le reste du pays, notamment la capitale Kiev est entièrement acquise à Viktor Iouchtchenko. Dans les grandes villes, la rue ne décolère pas, répondant présent aux appels de l'opposition qui sollicite le soutien populaire jusqu'à la victoire. Devant cette situation de blocage, des appels au calme et à la médiation sont lancés de part et d'autre. Des tentatives de médiation sont entreprises à commencer par celle de l'ancien président et syndicaliste polonais, Lech Walesa, avec l'aval du président ukrainien sortant Léonid Koutchma. Comme la crise ukrainienne polarise l'attention de la communauté internationale, le chef de l'Etat russe tente de défendre l'indéfendable en s'opposant à la campagne de critiques menée par l'Union européenne avec l'aide des Etats-Unis. Ainsi, le bras de fer mettant aux prises Moscou avec l'Union européenne sur cette question s'est accentué à l'occasion du sommet réunissant le président russe et le Premier ministre néerlandais, en sa qualité de président de l'UE. Les deux hommes ont clairement affiché leurs divergences sur le sujet. En effet, face au refus européen de reconnaître le résultat de l'élection ukrainienne, Vladimir Poutine a réaffirmé son soutien à Ianoukovitch tout en soutenant que le scrutin a été transparent. Il est allé jusqu'à qualifier la position européenne d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Ukraine. Les deux parties qui devaient parapher un accord de coopération stratégique ont différé la signature à une date indéterminée. La position radicale de Poutine s'explique par l'importance des intérêts russes en Ukraine, qui risquent de s'évaporer si jamais Viktor Iouchtchenko, connu pour ses positions pro-occidentales prenait les rênes du pouvoir. En attendant, le pouvoir central à Kiev calme le jeu autant que possible. Pour l'instant, il n'est pas question de recourir à la force contre les manifestants. La démocratie est en marche en Ukraine et il n'est plus possible de la stopper par la répression. Ce qui s'est passé il y a un an en Géorgie a libéré les esprits des peuples. Les Ukrainiens voisins ont apparemment bien retenu la leçon au grand dam de Vladimir Poutine. Rébellion des télévisions ukrainiennes contre la censure Démissions, grèves, manifestations : les journalistes des chaînes de télévision ukrainiennes contrôlées par le pouvoir se sont rebellés contre la censure et, fait sans précédent pouvant influencer la suite des événements, couvrent désormais la crise de la façon la plus objective possible. La chaîne ukrainienne progouvernementale 1+1, réputée pour être l'une des plus agressives à l'égard de l'opposition, s'est engagée jeudi à donner des “nouvelles objectives”, avant de reprendre la diffusion de ses bulletins d'information suspendue depuis lundi en raison du refus des journalistes de les présenter à cause de la censure. Les collaborateurs de 1+1 ont déclaré, dans un communiqué, refuser de diffuser des “informations partiales sous la pression des forces politiques”. “Les événements actuels nous obligent à faire la déclaration suivante [...] : toute information sera complète et objective”, promettent-ils. K. A.