A 8000 miles d'Hollywood, Robert De Niro a foulé le tapis rouge du Festival de Doha, devant le cinéma Al Rayaan, dans le quartier de Souq Wakif, le plus bel endroit de la ville et sans doute de toute la péninsule. A Doha, pour voir les films, on y va en limousine de l'hôtel Al Mirqab (Al Ryaan cinéma) au Musée d'art islamique et à Katara Opera House, un hub culturel total. Doha possède plusieurs mosquées avec des hauts-parleurs peu confidentiels, une corniche semée de gratte-ciel époustouflants. Les bédouins qataris préfèrent sans doute leurs tentes dans le désert, mais les caravanes de marchands ont changé de look. Les chameaux se sont essoufflés. On voyage aujourd'hui en Jumbo-jets à réaction et on roule ici dans des 4x4 japonais qui ressemblent à des mastodontes. La péninsule du Qatar, sur les rivages du Golfe persique, a sensiblement la même taille que l'enclave balkanique du Kosovo. Mais le Qatar est cent fois plus riche. Dans le quartier de Tribeca, au sud de Manhattan à New York, Robert De Niro avait créé, en 2001, un festival pour prouver, sans doute, que sa ville tient bon après les attaques du 11 septembre. New York a tenu le choc. Quelques années plus tard, Robert De Niro s'est dit pourquoi ne pas jumeler Tribeca et Doha qui possède un très sérieux institut de cinéma, Doha Film Institute, qui organise brillamment le festival. Irréprochable artiste, figure emblématique du cinéma américain, Robert De Niro était donc l'autre soir sur le tapis rouge pour la cérémonie d'ouverture et le film de Mira Nair The relustant fundamentalist (L'intégriste malgré lui). L'Indienne, Mira Nair, s'est assurée un succès phénoménal avec Salaam Bombay (1988), avant de tourner Mississippi Masala (1991), Monsoon Wedding (2001), Lion d'or à la Mostra de Venise. L'intrigue d'un thriller sec et violent, c'est le ton recherché par Mira Nair pour son nouveau film, largement financé par le Qatar et semé de chants traditionnels du Pakistan, de musique classique urdue et d'arrangements de Peter Gabriel. C'est l'histoire d'un chercheur pakistanais vivant à New York, à qui tout semblait réussir à Wall Street même. Jusqu'au tournant tragique du 11 septembre. Sa vie bascule dans l'horreur. Au comble de la paranoïa, l'Administration américaine prend pour évidence que tout musulman est de facto un terroriste en puissance. Cela donne un film grave, une histoire pakistano-américaine insupportable. Le Festival de Doha (17-24 novembre) a accueilli avec sympathie le cinéma algérien, toutes générations confondues, de Hamina à Teguia, en passant par Assia Djebar, Merzak Allouache, Nadir Moknèche. Sélectionné en compétition, Goodbye Morocco de Nadir Moknèche, avec Lubna Azabal et Faouzi Bensaïdi, tous deux au top dans des rôles difficiles, est aussi un thriller vif, percutant. C'est l'histoire d'une riche Tangéroise avide d'argent, collectionneuse d'amants. Dans sa nouvelle maison en construction, des ouvriers africains tombent sur des reliques anciennes, pièces archéologiques de haute valeur. Avec la complicité du directeur du musée, elle cache la découverte aux autorités et espère gagner beaucoup d'argent dans une vente à l'étranger. La combine est finalement découverte au bout d'un récit de souffrance, de pleurs et de morts. On prend très au sérieux cette tragédie tangéroise de Nadir Moknèche, même si on préfère Délice Paloma.