Les crises économiques conduisent toujours à des drames humains. Les politiques économiques insensées des pays pauvres en déliquescence provoquent famines, maladies et souvent des atrocités sociales. Dans ces pays pauvres, ce sont des querelles liées à la détention du pouvoir qui, souvent, causent des génocides humains aux conséquences indescriptibles. Mais, parfois, les pays riches se font également piéger par des situations imprévues qu'ils peinent à maîtriser par la suite. En ce sens, un tel scénario se déroule sous nos yeux, en Europe. Tous les manuels de macroéconomie moderne enseignent que face à un ralentissement de l'activité économique (croissance molle et montée du chômage), l'Etat doit accroître ses dépenses publiques pour corriger cette insuffisance de demande. Mais l'Europe fait face à deux maux en même temps. La crise des subprimes (dettes bancaires US insolvables) n'est pas vaincue que la crise des dettes souveraines (endettement excessif de certains Etats) est venue se greffer sur elle. S'il est difficile de corriger un mal, il est alors extrêmement compliqué d'en corriger deux en même temps. Pour réduire les déficits, il est préconisé aux Etats endettés de pratiquer l'austérité. Mais cette dernière arrive à un moment où la machine économique est en panne et produit de moins en moins de taxes pour l'Etat. Alors, l'austérité dans ce cas va aggraver la crise et les possibilités de remboursement. Pourquoi les européens n'arrivent pas à trouver de solutions ? L'Europe dispose de beaucoup d'économistes de classe mondiale, capables d'imaginer des solutions techniques aux problèmes actuels. Beaucoup ont déjà affiché des alternatives très plausibles. L'équipe de Jacques généreux en France a proposé des pistes très intéressantes. Lors des différents G20 et G7, l'Europe et surtout l'Allemagne sont sommées d'agir avec vigueur pour remettre de l'ordre dans leur maison. Mais le vieux continent continue d'être le boulet de l'économie mondiale. La situation de ses plus mauvais élèves empire, entraînant avec elle la régression des bonnes économies. Mais l'Europe a deux «ennemis invisibles» qui, lentement mais sûrement, minent tout effort de redressement des nations. Le premier problème concerne le secteur financier. Le fait que les dettes souveraines des Etats (Grèce, Portugal, Espagne, etc.) soient détenues par des bailleurs de fonds privés, et dans la plupart des cas non européens, piège ces pays et l'Europe tout entière. La boule de neige financière est devenue une fin en soi. La finance s'est déconnectée du reste du monde et s'est érigée en maîtresse de la planète. Ce sont les désirs et donc les anticipations de la finance internationale qui gouvernent les politiques macroéconomiques. Ces dernières sont supposées être conçues pour améliorer le bien-être des populations, réduire le chômage, améliorer le bien-être. Mais, aujourd'hui, on utilise les politiques publiques pour le bien-être du secteur financier. Dans une situation pareille, d'habitude on opte pour un accroissement des dépenses publiques, quitte à provoquer peu d'inflation pour absorber les dettes. Mais le système financier ne l'entend pas de cette oreille. Il n'est pas question de voir ses actifs financiers se détériorer. Il exige donc de la rigueur : réduire les dépenses publiques pour dégager des ressources et rembourser les dettes, avec un appui de l'Europe et des institutions internationales. Cette stratégie est catastrophique pour ces pays. En 2012, la production nationale de la Grèce va chuter de 6% et les prévisions tablent pour une diminution de 4% en 2013. Certes, de nombreux dysfonctionnements minent l'économie de ce pays, mais on n'a pas besoin de «Somaliser la Grèce pour la sauver». Le problème de l'architecture économique européenne L'Europe est à mi-chemin entre une fédération et une zone de coopération économique avec monnaie unique. Chaque membre réfléchit pays avant de considérer l'intérêt de la communauté tout entière. L'Europe s'est également fait piéger par une des rares législations qui privilégie trop la lutte contre l'inflation au détriment de l'emploi et de la croissance. Même la FED (banque centrale américaine) n'est pas aussi conservatrice. L'Europe qui devait être un projet social s'est révélée une entité trop libérale. La banque centrale aurait pu intervenir au début, racheter le gros de la dette et donner plus de temps aux pays pour s'en sortir. Mais ni ses statuts ni les accords de ses membres ne le permettaient. En effet, l'inflation est dormante depuis longtemps en Europe. Même en 2012 on prévoit un taux entre 0 et -0,3% (déflation). Les politiciens allemands savent qu'en achetant les dettes, l'Europe tout entière va s'en sortir avec un meilleur coût. Mais l'Allemagne paiera le gros de la dette. Si l'inflation va grimper à 3% par exemple, c'est l'économie la plus puissante — l'Allemagne — qui va payer le gros de la facture. Alors, face à ce dilemme, on peut opter pour une politique de rigueur. La facture sera plus élevée pour l'Europe, mais le gros sera payé par les pays endettés eux-mêmes (Grèce, Espagne, Portugal). De nombreux coûts économiques et sociaux auraient pu être évités si l'Europe était plus fédérale ou sans monnaie unique. Cette crise fait apparaître au grand jour les lacunes de l'architecture économique et politique européenne. En plus du secteur financier mondial qui est en train de déstructurer l'économie mondiale, l'organisation économique de l'Europe ne lui permet pas de riposter efficacement aux crises. On assiste à un véritable hara-kiri européen qui entraîne dans son sillage toute l'économie mondiale. La structure actuelle permet aux économies fortes d'imposer leurs modèles aux pays à problèmes. Les politiques économiques allemandes sont loin de pouvoir fonctionner efficacement en Grèce. L'Allemagne, qui a payé le prix fort de sa réunification, ne veut pas débourser pour des erreurs de gestion macroéconomiques qu'elle n'a pas commise. Nul ne peut lui en vouloir. Le système est organisé ainsi pour produire 10% de solidarité et 90% de chacun pour soi. En fait, il faut beaucoup plus blâmer les architectes de ce système politique hybride, mais qui ne fonctionne que lorsque les choses vont bien. Mais comme le disait Peter F. Drucker : «quand on construit un système, si quelque chose peut mal fonctionner il fonctionnera mal». En attendant de réduire les malfaçons, l'économie européenne continuera à tirer vers le bas l'économie mondiale sans qu'une solution durable ne soit en vue. On arrivera au creux de la crise mais le prix payé par l'Europe serait 3 à 4 fois plus élevé que nécessaire.