A 76 ans, Silvio Berlusconi, ancien Premier ministre, a surpris ses détracteurs et ses sympathisants en annonçant son retour inattendu sur la scène politique. Un mois auparavant, il avait déclaré vouloir se retirer de la course électorale. Mais qu'est-ce qui fait courir le Cavaliere ? Sourire figé sur un visage émacié par trop de liftings, Berlusconi arborant fièrement à son bras son tout dernier trophée, sa compagne, plus jeune que lui de 49 ans, se prépare à monter sur le train Rome-Milan. A la gare Termini de la capitale, les photographes se bousculent pour immortaliser cette sortie du «couple candidat». Il aurait pu voyager à bord de son jet privé ou dans l'une de ses voitures de luxe, mais l'ancien Premier ministre a préféré s'offrir un bain de foule, en ce dernier mercredi du mois de décembre, pour redorer son blason et gagner quelques points dans les sondages. Dans la ville éternelle, il distribue sourires et poignées de main et freine ses attaques acerbes contre le président du Conseil sortant, Mario Monti, son rival politique, pour donner libre cours à ses critiques dès son arrivée à Milan, sa ville natale. Cet entrepreneur qui a marqué, en bien et en mal, un quart de siècle de l'histoire italienne, est omniprésent sur les chaînes de télévision de son pays, les radios, sur les pages des journaux… On ne voit plus que lui depuis le 6 décembre, date à laquelle l'ancien président du Conseil italien a annoncé vouloir briguer un cinquième mandat, provoquant un vent de panique sur les places boursières européennes. Contraint à la démission en novembre 2011, après avoir été éclaboussé par plusieurs scandales de mœurs, le «Cavaliere» (ainsi surnommé pour avoir été décoré en 1977 de la médaille de Chevalier du travail) avait assuré vouloir se retirer de la direction du parti du PDL (Peuple de la liberté), désignant son jeune bras droit et ancien ministre de la Justice, Angelino Alfano, comme son successeur. Stratège Mais à la veille des fêtes de Noël, il crée la surprise en dévoilant son vœu le plus cher : sortir vainqueur des élections législatives anticipées de février 2013, convoquées après la démission du gouvernement technique de Mario Monti. Berlusconi, en stratège rusé, avait provoqué la chute de l'Exécutif en lui retirant le soutien de son parti. Pourtant, les Italiens pensaient que le vieil entrepreneur usé par les scandales - il est poursuivi pour prostitution de mineure et abus de pouvoir - avait définitivement renoncé à la politique. Mais, c'était compter sans l'acharnement et l'égocentrisme du Cavaliere. Après sa démission forcée, son médecin personnel avait ainsi décrit le patron du club AC Milan : «Il est stressé comme un Cristiano Ronaldo qui se retrouve à jouer en troisième série.» Ayant dirigé quatre gouvernements depuis 1994, Berlusconi ne s'est jamais résigné à être écarté du pouvoir et à perdre l'immunité pénale dont il peut jouir pendant 18 mois comme président du Conseil italien. En octobre dernier, il avait été condamné par le tribunal de Milan, en première instance, à quatre ans de prison ferme (réduits à un an, trois ayant été amnistiés en vertu d'une loi de 2006) et à l'interdiction d'exercer tout mandat public pendant trois ans pour fraude fiscale. L'affaire remonte à 2003, et concerne la vente de droits télévisés par le groupe Mediaset appartenant à Berlusconi. Ce dernier avait qualifié le verdict de «condamnation politique (…) dans un pays barbare» et déclaré vouloir revenir en politique pour réformer la justice, bien que grâce aux lois introduites par ses ministres, le procès risque fort bien de tomber en prescription vers la fin 2014. «Rubygate» Un autre procès, très médiatisé et connu sous le nom de «Rubygate» pèse sur le candidat Berlusconi. Il y est accusé d'avoir payé pour avoir des rapports sexuels avec une mineure marocaine, Karima El Mahroug, danseuse de night-clubs, et d'avoir fait pression sur des fonctionnaires de la police, pour la faire relâcher, alors qu'elle avait été arrêtée pour vol. Allant jusqu'à la présenter comme «la nièce du président Moubarak», c'était en octobre 2010. Le procès a été reporté le mois dernier, car l'intéressée - qui entre temps s'est mariée et a eu un enfant- convoquée comme témoin par la défense de l'homme politique, ne s'est pas présentée à l'audience. Elle a préféré se réfugier au Mexique pour des vacances de luxe Les mauvaises langues jurent que la Marocaine avait été envoyée si loin pour faire renvoyer le procès et gagner un temps précieux. Mois le poids de ces scandales sexuels, les condamnations pour sa gestion passée de son empire médiatique, son divorce houleux d'avec sa deuxième épouse, l'actrice de théâtre Veronica Lario, à qui Berlusconi devra verser, à vie, 3 millions d'euros par mois comme pension alimentaire, ne l'ont nullement dissuadé de se lancer à nouveau dans l'arène politique, conscient que cette fois, il ne part pas favori. La crise économique, l'absence de croissance et le programme d'austérité mené par son successeur pour équilibrer les comptes de l'Etat favorisent plutôt la coalition de centre gauche, menée par Pier Luigi Bersani. Revanche Mais c'est contre Monti, le chef du gouvernement sortant, que Berlusconi compte remporter sa revanche, allant jusqu'à conseiller ironiquement les Italiens de «plutôt voter pour le parti de gauche (Parti démocrate) que d'accorder des voix à la nouvelle coalition qui soutient Monti». Une fortune estimée à 6 milliards de dollars, deux mariages et deux divorces, cinq enfants, plusieurs petits-enfants, une jeune fiancée…, le Cavaliere avait tout pour jouir d'une retraite dorée sur les plages de l'une des îles offshore, où il possède de luxueuses villas. Mais Berlusconi a survécu aux procès, aux condamnations, aux scandales, aux critiques des grands du monde comme la chancelière allemande Angela Merkel ou le président américain Barack Obama qui n'ont jamais caché leur aversion pour lui. Créant la surprise, il ressurgit sur la scène politique et jouant sur l'impopularité du gouvernement sortant qui a imposé aux Italiens des mesures d'austérité très contraignantes en haussant les impôts, il promet de relancer la croissance et d'alléger la pression fiscale. Les sondages estiment qu'une coalition élargie menée par le Cavaliere ne remportera pas plus de 24% de voix.