L'Autrichien Robert Schindel né en 1944 à Bad Hall en Haute Autriche et l'Algérien Mohamed Magani né à El Attaf (ex-El Asnam) en 1948 sont des écrivains d'une même génération. Ils se sont rencontrés jeudi en fin de matinée à la Bibliothèque nationale (El Hamma) sur l'initiative des services culturels de l'ambassade autrichienne à Alger. Mais seuls les réunissent leur âge, leur condition d'auteur et l'amitié que peuvent nouer rapidement des hommes de lettres. Leur style d'écriture, leurs préoccupations et donc leurs manières de percevoir la vie se sont révélés différents, dès lors que l'un et l'autre ont parlé de leurs écrits et de leurs projets. Schindel a été marqué au fer rouge par son extraction juive à laquelle le jeune enfant qu'il a été dans l'après-guerre ne pouvait échapper : il baigna au-delà du supportable et durant toute sa vie dans les récits relatant les horreurs inqualifiables qu'a fait subir le régime nazi aux siens. Toutes ces douleurs, particulièrement celles des camps de concentration vont être dégorgées durant un interminable vécu de maladif en d'innombrables paragraphes dans ses romans. Hier, la plupart des présents non européens au café littéraire qui entendaient pour la première fois parler de Robert Schindel, le voyaient également et lisaient (quelques passages de son œuvre Le mur de verre pour la première fois. Pourtant, dès qu'il commença à déclamer quelques paragraphes de son œuvre, sa voix, sa manière de dire et ses mimiques épousèrent son style. On le reconnaissait. Sa voix rugueuse se superposait à sa manière rêche et rappeuse d'exprimer avec beaucoup de callosités qui semblent être autant de blessures mal cicatrisées les sentiments de ses personnages, y compris parfois lorsqu'il soumettait à la critique les petites et grandes lâchetés des juifs qui ont vécu cette période sombre et sanglante. Le mur de verre paru au début des années 1980 a été traduit et publié chez le Français Stock dans la collection Les mots étrangers. Schindel reviendra en 1992 dans Gebürtig sur ce sujet avec un entrelacs de vies de cette génération de juifs nés comme lui dans l'après-guerre, des enfants de collaborateurs des nazis, des enfants devenus sans qu'ils le sachent catholiques ou exilés. Ils ont en partage leur innocence et leur quête infatigable, parfois désespérée de leur identité. Magani qui, petit enfant, n'avait que 6 ans, lorsque le séisme de 1954 fit fondre la terreur sur El Asnam, connaîtra d'autres tremblements de terre. L'effondrement va alors s'inscrire de façon indélébile dans sa mémoire. La hantise sera toujours là pour enfin rattraper l'homme lorsqu'il se met devant la page blanche au point même où les livres peuvent subir l'ire des éléments jusque dans la bibliothèque de l'écrivain. L'auteur de La faille du ciel (1983), Esthétique de boucher (1990), roman qui le fera connaître notamment à l'étranger, grâce à des traductions en plusieurs langues, Un temps berlinois (2001) Le refuge des ruines (2002), Une guerre se meurt 2004, a écrit aussi en Anglais. An Icelandic dream (nouvelles) et Please pardon our appearence ont été écrits dans la langue de Charles Dickens. Mohamed Magani, qui a également été l'auteur d'essais, a vécu comme l'ensemble des intellectuels algériens les affres de la folie islamiste et veut maintenant s'engager sur des voies apaisées pour sortir de la littérature post terrorisme. Alors, il vient de se saisir d'une gaule et est allé s'installer au bord de l'eau pour des Scènes de pêche en Algérie. C'est le titre de son prochain ouvrage (32 nouvelles) qui tient de la tradition « du roman écologique » qui sera sur les étals des librairies probablement au mois de juin.