L'opposition ne s'avoue pas vaincue face à sa volonté de dessiner l'avenir de l'Egypte selon la feuille de route des Frères musulmans au pouvoir depuis sept mois. Vingt-quatre heures après son appel à un dialogue national pour tenter de résoudre la nouvelle crise que traverse le pays, la coalition de l'opposition égyptienne regroupée au sein du Front du salut national (FSN) lui a opposé une fin de non-recevoir. Mieux ou pis, elle a lancé un appel à manifester vendredi contre les dernières mesures prises par Morsi, notamment le controversé projet de loi autorisant l'armée à participer au «maintien de l'ordre jusqu'à la fin des législatives» prévues dans les prochains mois et «chaque fois que le président de la République le demandera». Dans un discours musclé dimanche soir, M. Morsi avait décrété l'état d'urgence dans les provinces de Port-Saïd, Suez et Ismaïliya, qui longent le canal de Suez, suite à des affrontements ayant fait près de 50 morts. Il avait aussi appelé les représentants des forces politiques, de l'opposition comme de partis islamistes le soutenant à un dialogue à 18h (heure locale) au palais présidentiel au Caire. Dans le même temps, son gouvernement a approuvé le projet sur l'implication de l'armée en attendant son approbation par le Sénat dominé par les islamistes. Alors que l'impasse politique est totale, la situation sur le terrain n'est guère reluisante non plus. Au Caire, une personne a été tuée, hier, par un tir de chevrotine dans les affrontements qui se poursuivaient pour la cinquième journée consécutive entre groupes de manifestants et policiers aux abords de la place Tahrir. «Nous ne participerons pas à un dialogue vide de sens», a annoncé lors d'une conférence de presse Mohamed El Baradeï, figure de proue du FSN, qui regroupe plusieurs mouvements et partis en majorité de gauche et libéraux. Impasse politique Le FNS réclame notamment que le président islamiste assume la responsabilité des violences de ces derniers jours, qui ont fait 47 morts, et la formation d'un gouvernement d'union nationale. Il a plus tard appelé dans un communiqué le «peuple à occuper toutes les places Tahrir vendredi 1er février pour (...) réaliser les objectifs de la révolution» et protester contre la mort de dizaines de personnes ces derniers jours. L'opposition avait déjà menacé d'appeler à de nouvelles manifestations et à une présidentielle anticipée si ses conditions n'étaient pas remplies. Les heurts les plus meurtriers ont eu lieu à Port-Saïd, où 37 personnes ont péri après la condamnation à mort, samedi dernier, de 21 supporters du club de football local, Al Masry, impliqués dans des violences ayant fait 74 morts l'année dernière à l'issue d'un match contre le club cairote d'Al Ahly. Ces violences reflètent les profondes divisions dans le pays, mais aussi la persistance de l'hostilité d'une grande partie de la population envers la police, accusée de violations systématiques des droits de l'homme. M. Morsi a menacé de prendre d'autres mesures «exceptionnelles» si les violences persistaient. En signe de défi, des habitants de Port-Saïd ont bravé le couvre-feu et l'état d'urgence entrés en vigueur dans la nuit en manifestant et ont dit se préparer à de nouveaux rassemblements, selon des témoins. Lors des obsèques, dimanche dernier, à Port-Saïd, de certaines victimes de la veille, des coups de feu d'origine indéterminée ont été tirés, provoquant un mouvement de panique puis des scènes d'émeute. Des habitants avaient ensuite attaqué des postes de police à Suez et Port-Saïd. C'est dire que la politique de la main de fer du président Morsi risque d'attiser un peu plus la tension dans un pays sujet à des soubresauts plus au moins graves liés à une révolution inachevée, voire détournée.