L'Egypte brûle. Tandis que le nombre des morts va croissant, et les manifestations se durcissent, le président égyptien, qui a décrété l'état d'urgence dans les provinces de Port-Saïd, Suez et Ismaïliya, menace les protestataires d'une main de fer. Plongé dans une nouvelle crise après la mort de 46 personnes, en trois jours de violence à Port-Saïd, Suez et Ismaïliya, dans la foulée de la condamnation à mort, samedi, de 21 supporters du club de football Al Masry (pour leur implication dans des violences ayant fait 74 morts en 2012), le président égyptien Mohamed Morsi monte au créneau. Il a décrété l'état d'urgence et un couvre-feu nocturne pour 30 jours dans ces trois provinces. Dans un discours à la nation, le Raïs menace de prendre d'autres mesures exceptionnelles. « Je suis contre les mesures exceptionnelles, mais j'avais dit que si j'y étais contraint, je le ferais pour éviter que le sang ne coule et pour protéger les citoyens », a-t-il martelé. Pour déjouer cette nouvelle crise politique qui peut lui coûter cher, le chef de l'Etat a convié l'opposition et ses partisans à un dialogue national, après avoir fait passer, via le gouvernement, un projet de loi lui autorisant la saisine de l'armée afin de garantir le maintien de l'ordre jusqu'à la fin des législatives. Le Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition dont Mohamed El Baradei, Amr Moussa et Hamadane Sabbahi, des figures de proue, a rejeté un dialogue qualifié d'« appel vide de sens » et « de façade ». « Il faut remédier aux racines du problème que nous vivons, pas aux symptômes. La solution n'est pas d'ordre sécuritaire, elle est politique », déclare El Baradei. Peu avant, l'ancien prix Nobel de la paix a exhorté le président « à former un gouvernement de salut national et une commission pour amender la Constitution ». Faute de quoi, « tout dialogue sera une perte de temps ». La veille, le Front a haussé le ton en menaçant de boycotter les élections législatives prévues dans les prochains mois si le pouvoir islamiste n'appliquait pas une « solution globale » à la crise que vit le pays. L'opposition maintient son appel à une manifestation pacifique, vendredi prochain, pour « faire tomber la Constitution » et réclamer « l'organisation d'une élection présidentielle anticipée ». Les menaces présidentielles n'ont pas, non plus, dissuadé les manifestants. En signe de défi, des habitants de Port-Saïd ont bravé le couvre-feu et l'état d'urgence en promettant de poursuivre leur mouvement. Au Caire, une personne a été tuée, hier, lors d'affrontements entre policiers et manifestants près de la place Tahrir.