Maintenant que les élections législatives et locales sont passées, les crises au FLN et au RND ont connu leur épilogue avec le départ précipité de leurs chefs, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia, il ne reste désormais, dans le calendrier de la présidence de la République, que la révision de la Constitution comme dernière halte avant l'élection présidentielle de 2014. Au plan de la forme, on ne sait ni quand elle aura lieu ni quel sera son contenu, vu qu'aucun débat, pour le moment, n'est engagé autour de la question. La commission qui devait plancher dessus n'a jamais vu le jour. Après l'avoir amendée en décembre 2008 rien que pour, essentiellement, permettre au président Bouteflika de briguer un troisième mandat, dépouiller le chef de gouvernement de ses prérogatives et, accessoirement, instituer le poste de vice-Premier ministre attribué une fois à Nourredine Yazid Zerhouni (ancien ministre de l'Intérieur) avant de rester vacant, pourquoi le chef de l'Etat a-t-il encore inscrit à son agenda une autre révision de la Loi fondamentale du pays ? Dans le contexte où la réforme a été annoncée, il y a presque deux années, en pleine révolte dans certains pays arabes et juste après de violentes manifestations dans la plupart des villes algériennes, le projet de révision était perçu par ses initiateurs comme une bouée de sauvetage, une promesse de changement pour calmer les esprits. Il fallait donc coller aux revendications de la rue arabe – et par ricochet l'opinion algérienne – qui contestait le règne à vie et exigeait la démocratisation de la vie politique. Ce n'est donc pas un hasard si les partis politiques, associations et personnalités conviés à formuler leurs propositions ont presque tous demandé de réintroduire dans la nouvelle mouture de la Loi fondamentale la limitation des mandats présidentiels à un seul renouvelable une seule fois. Mais une fois l'orage passé, peu de monde évoque encore ce préalable à l'alternance de la limitation des mandats. Au contraire, des voix s'élèvent pour défendre l'option de la non-limitation des mandats présidentiels, un principe qui, selon elles, n'est pas forcément un gage de démocratie. La disposition constitutionnelle en vigueur ne semble plus déranger personne. La question qui se pose alors est : pourquoi prévoit-on de changer encore une fois la Constitution ? Le Président aurait pu faire l'économie d'une autre révision s'il avait pensé à cerner définitivement la problématique que l'ancienne Loi fondamentale, celle d'avant 2008, lui posait. Au lieu de la triturer comme bon lui semble et finir par banaliser un texte qui est la source de toutes les lois et surtout censé faire l'objet d'un large consensus national. Seulement, il s'avère que l'objectif était bien précis : il fallait juste lui trouver un maquillage, comme celui qui prétend donner à la femme la place qui lui revient dans les institutions alors qu'on maintient un code de la famille des plus archaïques. Aujourd'hui, une nouvelle fois, la Constitution s'apprête à connaître sa troisième révision sous le règne de Abdelaziz Bouteflika. Et une nouvelle fois encore, le but ne consiste pas, comme on le laisse entendre ça et là, à donner au pays un texte fondamental qui le prémunit de l'instabilité et le dote d'une loi qui l'engage dans le progrès et la modernité, mais à assurer la perpétuité d'un système de gouvernance éculé. Liée directement à la prochaine élection présidentielle, la prochaine révision constitutionnelle pourrait, selon certaines indiscrétions, consacrer un mandat présidentiel de 7 ans et, bien évidemment, ajoute-t-on, introduire un vice-Président pour parer à toute éventualité. On suppute aussi que le chef de l'Etat entendrait bien se présenter pour la quatrième fois à la magistrature suprême, même si l'ancien président de l'APN croit savoir, selon un entretien qu'il a accordé à TSA, que Abdelaziz Bouteflika n'a pas encore pris la décision de se porter candidat en 2014. L'Algérie qu'on croyait sortie du tunnel, après l'ouverture démocratique de 1988 et la révision constitutionnelle sous le président Zeroual en 1996, laquelle révision avait limité les mandats présidentiels, voilà qu'elle replonge dans l'archaïsme de ce qu'on appelle, en science politique, des despotismes orientaux.