De l'aveu même du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, l'Etat algérien, qui dispose aujourd'hui de ressources financières en abondance, gère très mal ses affaires économiques. Le déficit de gestion se pose ainsi aussi bien en termes de politiques d'allocation des ressources disponibles qu'en matière de réalisation de projets d'infrastructures et de programmes économiques sensées favoriser l'avènement d'une croissance économique durable. « La problématique de la gestion des affaires économiques en Algérie n'est pas nouvelle et le président de la République ne fait que rappeler un constat », souligne en ce sens Hocine Benissad, économiste et ancien ministre de l'Economie dans le gouvernement de Si Ahmed Ghozali. Selon lui, « le problème de gestion en Algérie ne touche pas uniquement l'administration et les entreprises publiques, mais également le secteur privé ». « Le déficit de gestion, relève-t-il, découle avant tout d'un problème d'organisation et d'absence de sanction au sein de l'administration et des entreprises. » « En matière de gestion des affaires économiques, explique-t-il, même un président de commune ou un wali peut disposer d'un pouvoir de décision pour l'attribution d'un terrain par exemple. » Aussi, pour Hocine Benissad, il ne suffit guère d'investir dans la formation de gestionnaires et le développement d'une expertise nationale pour parvenir à combler les déficits constatés en matière de gestion. Cette problématique est, selon lui, autrement plus complexe, car elle dénote de l'existence de graves problèmes d'organisation dans la gestion des affaires économiques, alors que les gestionnaires ne sont pas soumis à des systèmes de sanction. Ainsi mis en évidence, le problème de gestion en Algérie se pose avec acuité alors que l'Etat a misé une dépense de plus de 60 milliards de dollars d'ici à fin 2009 pour consolider la croissance économique. La question se pose alors de savoir si les pouvoirs publics sont à même de veiller à ce que cet argent soit utilisé à bon escient. Pour Abdelhak Lamiri, économiste et docteur en sciences de gestion qui s'est à plusieurs reprises exprimé sur le sujet, le plan de consolidation de la croissance économique 2005-2009 est carrément « une erreur ». « Dans les années 1970, explique-t-il en ce sens, on avait cru que les usines développent un pays. Aujourd'hui, on croit que les infrastructures sont la clé de la croissance durable. Mais la véritable ressource suprême d'un pays est le management et de ce fait le plan aurait dû consacrer un tiers de ses ressources pour qualifier davantage l'intelligence humaine et introduire la bonne gouvernance partout. » Ainsi, selon M. Lamiri, il aurait été judicieux qu'au moins un tiers des dépenses prévues dans le cadre du plan de relance 2005-2009 soit consacré à « la modernisation des institutions et à la mise à niveau de l'intelligence algérienne ». Or, relève-t-il, « on a actuellement pour plus de 50 milliards de dollars de projets et on n'a pas de gestionnaires de projets, alors que ce sont des opérations éminemment techniques et que sans le management, on aura beaucoup d'équipement, mais pas de développement ». En somme, a-t-il signifié, les pouvoirs publics auraient dû « utiliser cet argent pour moderniser l'appareil de formation et pour avoir un tissu d'universités privées et publiques de très grande compétence pour former les futurs managers afin de conduire les futures entreprises ». « Il faut qu'il y ait une intelligence algérienne qui mette en place des stratégies et des procédures pour changer les modes de fonctionnement des entreprises, des administrations et des écoles », a-t-il en définitive plaidé.