Un récente étude du CIHEAM ayant pour, thème la gestion des ressources en eau en Algérie, fait ressortir quemalgré les efforts consentis par les autorités algériennes afin d'augmenter l'offre, l'agriculture ne bénéficie pas assez des investissements mobilisés. en effet, selon cette étude élaborée par Mohammed Benblidia et Gaëlle Thivet, le secteur de l'eau en Algérie fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics qui lui consacrent des moyens de plus en plus importants. La construction de nouveaux barrages, à travers la réalisation de grands transferts régionaux et de grandes adductions urbaines et agricoles, des usines de dessalement lesquels ont permis d'augmenter nettement le volume des ressources en eau mobilisées et d'améliorer les conditions d'approvisionnement des régions et des agglomérations déficitaires. Cependant, les irrigations dans les grands périmètres ne progressent pas et les pollutions menacent les nappes souterraines dans plusieurs zones. De plus, les réseaux d'irrigation sont vétustes ou mal entretenus. L'étude note par ailleurs qu'à l'exception des eaux fossiles des nappes profondes du Sahara, les ressources hydrauliques naturelles de l'Algérie dépendent essentiellement de la pluviométrie qui est très inégalement répartie sur le territoire et caractérisée par de fortes irrégularités intra-annuelles et interannuelles. Les volumes des précipitations sont très variables dans le temps : concentration sur quelques mois dans le Nord et quelques jours par an dans le Sud. Des années de fortes pluies peuvent être suivies par des périodes de sécheresse sévères. Des fluctuations aussi marquées vont affecter, d'une année à l'autre, le volume des ressources renouvelables disponibles (écoulements superficiels et alimentation des nappes souterraines). Les grandes différences dans la répartition des précipitations à travers le territoire national se retrouvent dans celle des ressources hydrauliques renouvelables. Ainsi, la région littorale du Nord, qui regroupe les bassins méditerranéens et ne représente que 7% de la surface du territoire national, accapare 90% du total des écoulements superficiels du pays (estimée à 12,4 milliards de m3 par an), le reste étant partagé entre les Hauts- Plateaux pour 6% et les bassins sahariens pour 4%. En outre, les précipitations étant, en moyenne, deux fois plus importantes à l'est qu'à l'ouest, le même déséquilibre se retrouve dans les potentialités hydriques de ces régions. En tenant compte des débits que pourraient fournir les nappes souterraines situées au nord de l'Atlas saharien (région littorale et Hauts Plateaux) et réalimentées par les précipitations, l'étude évalue à 14,4 milliards de m3 le volume total annuel des eaux renouvelables. Mais une partie seulement (10 milliards maximum) de ce volume est exploitable parce que physiquement et techniquement mobilisable. Comme d'autres pays de la région méditerranéenne, l'Algérie est d'ores et déjà en situation de " pénurie " d'eau avec environ 350 m3/habitant/an. Pour faire face à des besoins croissants, elle dispose de ressources naturelles limitées dont l'irrégularité et l'inégale répartition compliquent singulièrement les travaux de prévision et de planification nécessaires à une bonne gestion. Les effets probables du changement climatique rendront cette situation encore plus difficile. Par ailleurs, l'évolution considérable de la demande en eau en Algérie, liée principalement à l'accroissement rapide de la population, aux dynamiques d'urbanisation et à l'élévation des niveaux de vie, a conduit le pays à accroître les capacités de stockage des eaux de surface, à augmenter l'exploitation des nappes souterraines disponibles et à réaliser des adductions et des transferts d'eau portant sur des volumes et des distances de plus en plus importants. Les dépenses publiques dédiées au secteur de l'eau ont fortement augmenté depuis le début des années 2000. En pourcentage du PIB, les autorisations budgétaires d'investissements dans le secteur de l'eau - incluant l'hydraulique agricole - ont doublé pour passer de 1,3% en 1999 à 2,6% en 2006. Cette progression reflète bien l'importance des efforts déployés pour mobiliser davantage de ressources afin de satisfaire les besoins en eau potable et en eau industrielle, de protéger la ressource et de répondre aux besoins de l'agriculture. Ainsi, environ les deux tiers des financements ont été réservés aux grandes infrastructures de mobilisation et aux ouvrages d'adduction et de transfert. Néanmoins et malgré les efforts déployés, l'agriculture reste le parent pauvre de cette politique. En effet, et selon le Ciheam, bien qu'elle soit le premier poste consommateur d'eau, avec près de 65% des prélèvements au niveau national, l'agriculture irriguée n'a pas l'importance qu'elle devrait avoir dans les stratégies nationales sur l'eau. Elle ne figure pas au rang de dossier prioritaire dans le programme quinquennal 2009-2014, priorité étant clairement donnée aux ouvrages de mobilisation de l'eau et à l'alimentation en eau potable. Certains axes de développement relatifs à l'irrigation sont néanmoins énoncés : le développement de la réutilisation des eaux usées, les techniques d'économies d'eau et la lutte contre les forages illégaux et clandestins. L'agriculture irriguée n'occupe actuellement que 5 à 7% des superficies cultivées, mais joue un rôle économique important dans la mesure où elle représente près de 50% de la valeur ajoutée agricole du pays. Les superficies irriguées se subdivisent en grands périmètres irrigués (GPI) dominés par des barrages, aménagés par l'Etat et gérés par les offices de périmètres irrigués, et en petite et moyenne hydraulique (PMH) relevant du secteur privé et utilisant en grande partie des ressources en eau souterraines. La part du secteur public est faible : les GPI représentent environ 15% des superficies irrigables, soit près de 120 000 ha sur 700 000 à 800 000 ha. Le secteur privé est donc à l'origine d'une part essentielle de la production agricole irriguée. Toutefois, cette production reste faible au regard des besoins du pays du fait, principalement, du manque d'eau disponible. L'Algérie, qui figure parmi les dix principaux pays importateurs mondiaux de produits alimentaires, reste en situation de forte dépendance vis-à-vis du marché international. Par ailleurs le secteur hydro-agricole en Algérie fait face à de grandes difficultés d'ordre technique, financier et organisationnel. Sur l'ensemble des superficies équipées pour l'irrigation, la sécheresse qui a sévi au cours des dernières décennies explique partiellement le déficit de ressources en eau et la limitation des superficies irriguées dans l'ensemble du pays. Ces derniers sont aggravés par de nombreux facteurs externes au secteur hydro-agricole : la faiblesse de la planification des ressources en eau liée au manque de coordination sectorielle et intersectorielle, les conflits avec les autres usages, l'absence d'outils pour établir des prévisions et définir des règles de gestion de la pénurie. S'ajoutent à cela des facteurs internes tels que la dégradation des infrastructures par manque d'entretien, les importantes pertes dans les réseaux évaluées à plus de 40% en moyenne, les gaspillages liés au faible prix de l'eau agricole, une situation difficile pour les offices nationaux et la cessation d'activité pour la majorité des offices de wilaya. Le développement de l'irrigation est sans conteste l'une des priorités majeures à long terme pour le secteur agricole en Algérie. Les objectifs de sécurité alimentaire et l'importance sociale de l'agriculture irriguée constituent des éléments fondamentaux de la politique agricole du pays et justifient les programmes nationaux visant l'extension des superficies irriguées et l'accroissement des volumes d'eau mobilisables, notamment par la construction de nouveaux barrages. Malgré le déficit de ressources en eau subi ces dernières années, le gouvernement affiche la volonté de poursuivre l'accroissement des superficies irriguées. Les objectifs retenus dans les plans nationaux de développement portent ainsi le total des superficies équipées à 1 million d'hectares à l'horizon 2015-2020. Néanmoins, les pertes de terres agricoles par salinisation enregistrées ces dernières années et les incertitudes relatives aux ressources en eau qui seront disponibles pour l'agriculture du fait, en particulier, des impacts du changement climatique et des arbitrages futurs en matière d'allocation entre usages, amènent à s'interroger sur la faisabilité d'un tel programme d'extension des surfaces irriguées. En effet, si le bilan ressources-demandes en eau peut apparaître globalement satisfaisant à l'horizon 2030, si les projets de mobilisation, distribution, assainissement soient réalisés aux échéances annoncées, il ne traduit pas les déficits sérieux qui existent dans certaines zones, en particulier dans l'ouest du pays.