Bizarre, les habitants d'une cité se sont opposés à la réalisation d'un marché couvert de proximité. Jamais les vendeurs informels n'ont été aussi sereins que ces derniers temps. Ils occupent les espaces publics comme s'il n'y avait eu rien. Plus à l'aise qu'avant, ils sont là, affichant leur insouciance à l'égard des actions d'éradication du commerce informel. «On est bien, l'Etat ne nous inquiète plus, avant, c'était un peu difficile, mais depuis quelques semaines, on est tranquilles», nous confesse un de ces nombreux vendeurs informels qui ont élu domicile à la cité des 400 logements dans la ville de Jijel. Vendeurs d'oranges dans une camionnette, comme le font beaucoup d'autres sur le même trottoir, ce jeune semble rassuré que personne ne vienne le perturber dans son activité. «Ils (les officiels) sont venus nous demander des documents que nous leur avons remis, mais depuis il n'y a rien», assure-t-il. Le recensement opéré fait sûrement suite aux tentatives d'éradication du commerce informel entamée dans le sillage de la campagne d'assainissement des villes et villages initiée par le gouvernement Sellal. Notre jeune vendeur n'omet pas d'ailleurs de nous faire remarquer que les habitants de cette cité se sont opposés à la réalisation d'un marché couvert de proximité. «Ils ont peur d'être dérangés dans leur quiétude», lâche-t-il. Dans la ville d'El Milia, où l'activité commerciale sur les trottoirs bat son plein, les autorités chargées de la réalisation des marchés de proximité ont été confrontées au même refus des habitants de la cité des 486 logements, à Lemridja, de voir un souk s'ériger devant leurs blocs. Une pétition a été signée dans ce sens et adressée à qui de droit pour manifester leur opposition à l'égard de ce projet. La politique d'attribution de locaux dans les marchés couverts, réalisés dans le cadre du programme d'éradication du commerce informel, n'aurait-elle pas encouragé les oisifs et sans emploi à venir investir davantage les espaces publics ? Depuis un certain temps, d'aucuns ont fait le constat d'une nouvelle offensive de ces vendeurs illégaux, encouragés, semble-t-il par l'attribution de ces locaux, de venir prendre positon sur les trottoirs dans l'attente d'être recensés. Leur nombre ne fait que grossir de jour en jour et les trottoirs sont davantage occupés par une nuée de commerçants, notamment ceux vendant des fruits et légumes. Et pourtant, les marchés inaugurés ne semblent pas attirer la même effervescence commerciale. De nombreux stands sont restés vides, pendant que la clientèle ne se bousculent pas à l'intérieur de ces marchés couverts. «Le défi pour les autorités est de trouver une meilleure démarche pour interdire totalement toute activité commerciale sur la route, il faut d'abord penser à la création de postes d'emplois pour ces vendeurs», tranchent certains avis. Une mission pas si facile à entreprendre quand on sait que de nombreuses familles vivent de ce commerce, pendant que des diplômés universitaires sont contraints, sans gaîté de cœur, de faire ce boulot, comme l'affirme ce jeune ingénieur électronicien vendeur de pomme de terre à la place publique. «Je chôme, je n'ai pas trouvé un emploi, alors je fais ce commerce», lance-t-il, l'air jovial.