Le groupe algérien Sider deviendra bientôt l'actionnaire majoritaire du complexe sidérurgique d'El Hadjar. La situation financière critique à laquelle fait face la filiale algérienne du géant mondial de l'acier ArcelorMittal l'aurait poussé à accepter, sinon proposer l'idée de céder une partie de son capital de 70% à son partenaire minoritaire à 30%, le groupe public Sider. Une réunion s'est tenue mercredi, au ministère de l'Industrie, à Alger, à laquelle ont pris part, outre le ministre Chérif Rahmani, Vincent Legouic (CEO BU Afrique du Nord), Serge Dubois (Corporate Affairs Manager en Algérie), Arnaud Poupart-Lafarge (Executive Vice President of Long Carbon Europe LCE et membre du Management Committee), ainsi que Chiboub Hasnaoui (PDG du groupe Sider), où la décision a été prise. Cette opération obéira au principe de préemption tel que mentionné dans le pacte signé entre les deux parties en octobre 2001. L'annonce de cette transaction sera vraisemblablement rendue publique prochainement, selon des cadres du groupe Sider. L'information a été confirmée, hier, par une source sûre proche du ministère de l'Industrie. «Les négociations du ministère de l'Industrie avec le groupe mondial ArcelorMittal ont été entamées pour aboutir à la cession d'une partie des actions de sa filière algérienne au profit de l'Etat algérien à travers le groupe public Sider. Une fois la transaction effectuée, ce dernier deviendra majoritaire à 51%. En contrepartie, l'Etat algérien déboursera quelque 200 millions de dollars qui seront nécessaires pour l'augmentation du capital du complexe sidérurgique. Cette augmentation du capital permettra l'acquisition d'un important crédit bancaire pour enclencher le plan de redressement afin de sauver le complexe sidérurgique», explique la même source. Contactée, la direction générale d'ArcelorMittal Annaba (AMA) n'a pas voulu s'exprimer sur la question. Un délai de trois semaines a été accordé par le ministère de l'Industrie aux deux parties pour étudier tous les aspects économiques et juridiques de cette transaction, à la faveur d'une expertise, avant sa concrétisation en mai 2013. Une très grande discrétion entoure cette opération qui sera menée, du côté algérien, par les conseillers du ministre de l'Industrie, en l'occurrence Chettih Messaoud (ex-directeur général de Sider), Liassine Mohamed (ancien ministre de l'Industrie), Driss Tandjaoui (ex-secrétaire général du ministère de l'Industrie) et Hasnaoui Chiboub (PDG du groupe Sider). Du côté du groupe ArcelorMittal, ce sont Vincent Legouic, Arnaud Poupart-Lafarge et Serge Dubois qui seront chargés de la négociation. Cette opportunité entre dans le cadre d'une vision globale de la sidérurgie en Algérie qui fait partie des priorités du gouvernement. Avec l'usine des Qataris à Jijel qui produira, à terme, 5 millions de tonnes d'acier, des aciéries privées et ArcelorMittal Annaba, l'Algérie veut assurer son autosuffisance en acier d'ici 2025. D'autant plus qu'en 2011, l'importation d'acier a coûté quelque 10 milliards de dollars. Mais AMA ne pourra pas suivre cette cadence si elle n'investit pas. Et elle le reconnaît. Dans un document d'ArcelorMittal Annaba intitulé «Plan de redressement du complexe sidérurgique d'El Hadjar», il est écrit que «le soutien des pouvoirs publics à notre complexe porte sur la transformation et le reprofilage du crédit à court terme de 122 millions de dollars contracté auprès de Société Générale Algérie avec la garantie du groupe en un crédit à long terme BEA à taux bonifié et un délai de grâce de quatre ans avec prise en charge par le Trésor public des intérêts intercalaires. A cela, il faut ajouter l'octroi des facilités de caisse (découvert) accordées par la BEA pour un montant plafonné à 65 millions de dinars. Malgré la mise en œuvre de ces mesures financières, la situation financière d'AMA a atteint un niveau critique de cessation de paiement, et ce, dès le mois d'octobre 2012. Un mois après, ArcelorMittal Annaba a sollicité de nouveau les pouvoirs publics pour une intervention massive destinée à garantir la poursuite des activités de l'entreprise en Algérie». Et c'est à partir de là que l'idée de la recapitalisation de l'usine au profit de Sider a germé. Par ailleurs, selon les conclusions du cabinet international Laplace, désigné pour évaluer l'état actuel des installations de l'usine d'El Hadjar et ses besoins pour la maintenir en activité, «le complexe doit abandonner ses deux hauts fourneaux et ses aciéries à oxygène» ; en remplacement, il préconise «deux aciéries électriques pour la production des produits longs et plats. La production deviendra plus compétitive. En parallèle, une usine de pellettes (matière première enrichie en acier) qui alimentera les deux unités de Jijel et d'El Hadjar. Elle sera implantée dans la wilaya de Jijel et sera à capital public». Cette première expertise a été exposée au ministre de l'Industrie mercredi dernier.