Elèves et professeurs subissent au quotidien une multitude de problèmes qui altèrent le processus de l'enseignement. Aucune norme éducative n'est respectée dans ce lycée, où l'insécurité règne en maître des lieux. Incursions de délinquants étrangers à l'établissement, intimidations des professeurs, agressions et bagarres. Ce sont là quelques images du quotidien d'un lycée de la capitale, en proie au délaissement et au laisser-aller. il s'agit du lycée de la localité de Dergana, dans la commune de Bordj El Kiffan. Cela ne se passe pas dans un lycée difficile de brooklyn à New York, ni dans l'une des zones de la banlieue parisienne dite difficile. Ces faits qu'on ne saurait qualifier autrement que de graves, se passent dans une structure éducative à l'est de la capitale. Les parents d'élèves affirment sans équivoque aucune que même des produits stupéfiants sont écoulés par des dealers à l'intérieur de l'établissement. «le vendeur s'installe sur une chaise au niveau des toilettes communes et s'adonne en toute quiétude à son activité de vente de produits stupéfiants», témoigne un membre de l'association des parents d'élèves, et une professeur d'ajouter : «des élèves qui viennent ivres en cours, j'en ai vu des dizaines», fulmine-t-elle. Le cas de ce lycée relève de l'inimaginable, tant le pourrissement qui le gangrène est poignant. Les parents d'élèves, les professeurs ainsi que les élèves ont organisé au courant de la semaine passée un rassemblement devant le lycée pour réclamer l'intervention immédiate des autorités compétentes, particulièrement celles qui ont à charge la gestion du secteur de l'éducation, afin qu'ils mettent un terme à cette situation qui pénalise en premier lieu les bons élèves et les professeurs sans en exclure les parents. «Nous n'avons cessé depuis des années de revendiquer une prise en charge des problèmes que rencontrent les élèves et les professeurs de ce lycée, mais en vain. L'établissement est livré à lui-même», assurent les parents d'élèves. Entre autres revendications, les enseignants et les élèves demandent le renforcement de la sécurité qui laisse à désirer : «les délinquants de tout acabit circulent en toute liberté dans l'établissement, ils menacent les élèves et les enseignants», raconte-t-on sous couvert de l'anonymat, de peur d'éventuelles représailles. L'établissement, ouvert aux quatre vents, donne la possibilité aux malfrats d'entrer dans l'enceinte avec une facilité déconcertante. Les murs devant faire office de rempart contre les intrusions des étrangers à l'établissement sont en partie effondrés, les délinquants pénètrent dans une arrière-cour qu'ils utilisent comme lieu de débauche. Ces derniers ne se limitent pas à consommer de la drogue, mais ils s'en prennent souvent aux élèves et aux gardiens. Pris par l'ivresse des boissons alcoolisées et des stupéfiants, les malfrats défoncent à l'aide de barres de fer les fenêtres des salles de cours et profèrent toutes sortes d'injures et d'insanités à l'égard des professeurs et des élèves. Pour contrer ces véritables «razzias» menées contre l'établissement, toutes les fenêtres qui donnent sur la cour ont été barricadées à l'aide de plaques de tôle et de fer forgé. Les professeurs de ce lycée unique en son genre de par ce qui s'y passe n'en finissent pas de subir au quotidien les méandres de cette situation hors du commun. «une de nos collègues a refusé de faire passer un élève en conseil de discipline de peur de subir les représailles du groupe d'amis de l'élève indiscipliné», affirment les professeurs. Les amis du lycéen récalcitrant, délinquants connus du voisinage, s'en sont pris à la malheureuse enseignante. Les jeunes voyous l'ont menacée à l'aide d'un couteau. Depuis, la jeune enseignante n'ose plus sanctionner ses élèves. Une structure délabrée Des faits avec une telle gravité, il y en à foison. La structure n'aidant pas à surseoir un semblant de discipline et d'organisation de par son exiguïté, ressemble beaucoup plus à une structure pénitentiaire qu'à un établissement éducatif. L'insalubrité qui y règne lui confère des allures de squat. Gravement touché par le séisme de mai 2003, l'établissement a été classé une première fois dans la catégorie rouge, et quelque temps après ce classement a été requalifié, d'ailleurs on ne sait par quel tour de magie, en orange. Rafistolé à la va-vite, le lycée présente actuellement tous les signes avant-coureurs d'une catastrophe. Des pans entiers de la structure risquent de s'effondrer. Dans certaines ailes du lycée, des murs laissent entrevoir des entrebâillements béants, qu'on a colmatés par de la brique. D'autres fractions de l'édifice central présentent des difformités notamment sur la devanture, renseignant sur la fragilité de la bâtisse. A l'intérieur des salles de cours, le constat n'est guère meilleur. Telles des cellules d'un pénitencier, ces compartiments qu'on désigne à tort par «classes de cours», sont mal éclairées, la lumière y pénètre seulement en rayons réduits entre les fentes laissées par les éléments des barricades aménagées pour protéger les élèves et les professeurs des intrusions impromptues d'étrangers au lycée. Dépourvues d'estrades, les premières rangées de tables se rapprochent exagérément de ce qui reste d'un tableau dégradé, ne permettant, de surcroît, l'écriture que sur des surfaces réduites. Par ailleurs, les faux plafonds de toutes les classes s'effritent au gré du temps, des morceaux tombent de temps à autre sur la tête des élèves, qui ont pris l'habitude d'anticiper leur chute. Dans les couloirs, les tags et autres graffitis ponctuent la surface des murs, signe de l'absence d'entretien. La saleté est devenue au fil du temps une donne indissociable de ce lycée, dont les murs n'ont pas été repeints depuis des lustres. Au bout d'un couloir sombre et tortueux, un amas de chaises et de tables en piteux état est entreposé devant une salle de cours. Les lieux sont pleins de poussière, rendant l'air irrespirable. Les sanitaires où se déroulent presque de manière ordinaire les transactions douteuses, sont paradoxalement mitoyens des locaux de l'infirmerie. Des odeurs pestilentielles se dégagent des lieux, envahissant les moindres recoins de l'espace. Ce local, qui fait office de toilettes, est sombre et insalubre, indigne d'un lieu censé dispenser le savoir et la culture. En guise de cour pour les récréations et la pratique du sport, les élèves ont droit à un périmètre délimité par une haie en roseau. Ils se meuvent dans cet espace restreint, sous l'œil appliqué d'intrus qui se pavanent en toute liberté. En l'absence de vestiaires, les élèves se changent derrière une mansarde en parpaing, dépendant d'un chantier qui a amputé la cour d'une importante partie de l'espace qui lui était initialement consacré. Dans cet environnement qui est loin d'être éducatif, vient s'ajouter la surcharge des classes, qui amoindrit considérablement l'assimilation des cours, particulièrement par les élèves qui ont des examens en fin d'année scolaire. Pour pallier le problème, les gestionnaires de l'établissement n'ont pas trouvé mieux que d'aménager les locaux de l'administration en salles de cours, créant ainsi une indescriptible anarchie dans les couloirs et autres espaces communs. Quant au directeur du lycée, ce dernier assure n'avoir ménagé aucun effort pour redresser la barre. «j'ai adressé des écrits à toutes les instances concernées par le problème», se contentera-t-il de dire. Ce faisant, les parents d'élèves attendent une réaction concrète de la part des pouvoirs publics afin de régler les problèmes qui altèrent la scolarité de leurs enfants.