Finies les blouses informes aux imprimés d'un autre âge, les femmes fortes veulent du style. « Ma marraine, qui était jeune et belle, même si elle avait beaucoup grossi, a eu la vie gâchée parce qu'elle ne trouvait rien à se mettre pour sortir. Du coup, j'ai décidé de faire quelque chose pour les femmes rondes. » Nabih Akiki a tenu promesse : depuis 2000, il a ouvert deux boutiques Au bonheur des rondes à Marseille. Il y distribue les marques les plus pointues pour femmes enveloppées. Et elles se multiplient. « Il y a encore cinq ans, l'offre était très insatisfaisante, maintenant cela devient correct », témoigne Anne Stolb, fondatrice du site Internet Vive les rondes. La banalisation des grandes tailles y est pour beaucoup. La nouvelle campagne de mensurations a révélé que les Françaises avaient pris près de 2 kg en 35 ans et leurs compagnons... 5 kg. Certes, ils ont aussi grandi. Mais la montée en taille est une tendance lourde. « Il y a dix ans, environ 25% des femmes s'habillaient au-dessus du 42, maintenant c'est 35%. Aux Etats-Unis, c'est plus de 60% », explique Alain Weizman, créateur en 1990 de la marque Rondissimo, rebaptisée Alain Weiz en 2001. Ainsi, le créneau attire de plus en plus de marques. Parmi les précurseurs, Marina Rinaldi, filiale de l'Italien Max Mara. « En 1980, alors qu'on ne trouvait sur le marché que des choses très larges un peu ‘‘mémé'', nous avons commencé à habiller les femmes au lieu de les couvrir », raconte Monica De Bellis, chef de produit. Aujourd'hui, la griffe est distribuée dans 300 magasins dans le monde et la France est son premier marché. « Depuis cinq ans, nous avons beaucoup rajeuni notre style parce que les femmes rondes sont de plus en plus jeunes, poursuit Monica de Bellis. Nous vendons par exemple plus de 400 000 paires de jeans par an. » Même tendance pour l'autre grande marque italienne, Elena Miro (groupe Miroglio), dont les ventes connaissent une progression exponentielle. Le Français Alain Weiz avait, lui, démarré avec du prêt-à-porter traditionnel, avant de décliner ses produits en grandes tailles, puis d'arrêter son offre inférieure au 42 il y a une quinzaine d'années. Pari réussi : son chiffre d'affaires a doublé entre 2002 et 2004, et devrait encore tripler dans les cinq ans à venir avec l'ouverture d'une centaine de boutiques. Son concept ? La mode du 42 au 60. « Nous avons 300 modèles, du tee-shirt au manteau, en passant par les accessoires comme les ceintures, les collants, les maillots de bain, la lingerie », vante Alain Weizman. Les grands noms du prêt-à-porter bon marché se sont en effet lancés sur le créneau. Forth & Town, la toute nouvelle enseigne du groupe Gap, actuellement en test aux Etats-Unis, propose des vêtements jusqu'à la taille 48. Un bond qu'a déjà accompli discrètement la vente par correspondance (VPC). C'est sur catalogue que les fortes corpulences trouvent en effet le plus facilement chaussures à leur pied. La Redoute monte ainsi régulièrement jusqu'au 46, voire jusqu'au 52. Avec un principe économique immuable : « Dès que la plus grande taille proposée atteint 5% des commandes, on en ajoute une au-dessus », explique Elisabeth Cazorla, directrice de l'habillement. Parallèlement, la VPC a sorti des catalogues spécialisés, comme Votre mode aux Trois Suisses, Boutique Plus chez l'allemand Neckerman et Taillissime pour La Redoute. Ce dernier s'adresse aux femmes du 42 au 62. « Nous prenons les best-sellers de notre catalogue général et nous les retravaillons pour Taillissime. Depuis trois saisons, nous avons replacé notre offre dans une mode très contemporaine », poursuit Elisabeth Cazorla. Résultat : les ventes ont bondi de 11% l'année dernière, dans un marché de l'habillement en légère régression. Forts de ce succès, des dizaines de sites Internet spécialisés dans la vente à distance ont fleuri : Torrid, Lune de Safran, Silhouettes, Big Bad & Beautiful, Big Time Clothing... Mais, s'ils livrent en France, la grande majorité d'entre eux sont étrangers.