Bamako se décide enfin à attaquer le volet politique de la crise malienne et amorcer un retour à la légitimité institutionnelle. Le ministre malien de l'Administration territoriale, Moussa Sinko Coulibaly, a ainsi annoncé jeudi que le premier tour de l'élection présidentielle allait avoir lieu le 7 juillet prochain et le second le 21, en même temps que les législatives. Le gouvernement malien a, rappelle-t-on, adopté récemment une «Feuille de route» censée aider le pays à sortir de la situation de transition entamée depuis le renversement de l'ancien président Amadou Toumané Touré. Salué unanimement par la communauté internationale, la Feuille de route du gouvernement s'articule autour de deux points se rapportant notamment au rétablissement de l'intégrité territoriale du pays par la reconquête du Nord et l'organisation d'élections générales transparentes et crédibles, devant contribuer au retour à l'ordre constitutionnel. Ce document doit, selon ses promoteurs, «baliser la voie pour le bon fonctionnement des institutions sur l'ensemble du territoire, l'établissement d'un climat de paix et de sécurité dans la zone sous contrôle gouvernemental et la sécurisation des institutions de la transition, la restauration de l'Etat de droit». Il concerne également la lutte contre la corruption, le népotisme, l'exclusion et l'impunité, la préparation de l'après-guerre et du retour des déplacés et réfugiés, le rétablissement de la cohésion sociale et de la concorde entre les communautés. Mais aussi intéressante soit-elle, cette feuille de route pèche par le fait qu'elle ne prévoit aucun calendrier de négociations avec les représentants des mouvements rebelles touareg non terroristes derrière le soulèvement, il y a une année, des populations du nord du Mali contre le pouvoir central. Elle ne traduit, en tout cas pour le moment, aucune volonté des autorités de transition de trouver une solution durable à la crise du Nord-Mali. En lançant des mandats contre des responsables du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA), une dissidence d'Ançar Eddine, les autorités maliennes envoient au contraire un mauvais signal aux populations du nord du Mali. En se sentant davantage rejetées et agressées, il est à craindre que celles-ci (les populations, Ndlr) basculent tout bonnement dans le camp d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et d'Ançar Eddine. Les craintes d'un échec recommencé Et c'est probablement cette perspective inquiétante qui a convaincu le nouveau secrétaire d'Etat américain, John Kerry, de rappeler aux autorités maliennes la nécessité de mener des négociations avec les groupes du nord du Mali qui se dissocient du terrorisme. «Nous exhortons le gouvernement (malien) à poursuivre le processus de transition politique vers des élections et à intensifier les négociations avec les groupes non-extrémistes dans le Nord malien », a-t-il déclaré devant la presse à l'occasion de sa rencontre avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, au département d'Etat. S'exprimant également sur la crise malienne, le chef de l'ONU a affirmé, pour sa part, que les acteurs régionaux et internationaux avaient soutenu l'action militaire française et malienne. Il a ajouté qu'il appréciait «le soutien du gouvernement américain à cette opération et son engagement continu en faveur de la paix et de la stabilité au Mali». L'ONU, a-t-il poursuivi, travaille en étroite collaboration avec les partenaires-clés, dont l'Union africaine et la Cédéao pour «une solution pacifique qui rétablit l'ordre constitutionnel, répond aux véritables revendications, promeut la réconciliation et assure l'intégrité territoriale du pays». Mais depuis que l'armée française a chassé les groupes djihadistes des principales villes du Nord, il apparaît que la priorité pour les autorités maliennes de transition n'est plus tellement de trouver un accord avec les rebelles touareg, surtout que ceux-ci, pense-t-on à Bamako, sont considérablement affaiblis. Et donc plus facilement maîtrisables. Bref, au Mali, on risque encore de rééditer l'échec et de planter les germes d'une future crise.