La date du 10 décembre 2012 marque le 64e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Elle a été adoptée, à Paris, le 10 décembre 1948 par les 58 Etats membres qui constituaient alors l'Assemblée générale de l'ONU. Bien qu'elle ne comporte pas d'engagements juridiques contraignants, cette charte a une portée politique et morale ainsi qu'une valeur de proclamation de droits humains fondamentaux. Avec le temps, cette déclaration a acquis une dimension plus importante qui a contribué à l'universalité des droits de l'Homme. Elle a été consolidée par l'adoption du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En effet, «l'idéologie» des droits de l'Homme occupe aujourd'hui une place importante au niveau interne des Etats, de même qu'elle constitue une préoccupation majeure dans les relations. Cette importance a gagné en étendue à partir des années 1990 en incluant des domaines nouveaux comme la protection de l'environnement. A l'instar des autres organisations régionales et internationales, l'OCI qui incarne la philosophie des droits de l'Homme en Islam a intégré cette dimension dans son action durant les dernières années. En effet, les dispositions de la charte amendée ainsi que son préambule témoignent de la volonté de l'Organisation de promouvoir ces droits. Cette tendance s'est concrétisée par la mise en place de mécanismes y afférents et l'adoption de déclarations relatives à ce thème. C'est dans cette optique qu'il faudrait situer le Convenant des droits de l'Enfant en Islam (2004), la Commission permanente indépendante des droits de l'Homme, la Cour islamique de justice (1987) et le projet de création d'un poste de Haut-commissaire des droits de l'Homme, ainsi que le projet d'élaboration d'une «Convention sur les droits de la Femme en Islam». Toutefois, au plan pratique, l'Organisation n'a pas encore été en mesure de hisser la question des droits de l'Homme au niveau des priorités de son action. En effet, le rôle de l'OCI en la matière se heurte encore à un certain nombre de difficultés. Il convient de citer à cet égard l'absence de mise en œuvre des mécanismes sus-mentionnés envisagés par l'Organisation, ce qui entrave sérieusement la promotion des droits de l'Homme dans le monde musulman. Il est évident que ces critiques se justifient parfois au regard de certaines pratiques dans le monde arabo-musulman. Par contre, s'adresser à l'Islam en tant que religion et société, il est évident qu'il a joué un rôle précurseur en jetant les fondements des droits de l'Homme, des siècles avant que la civilisation occidentale n'en fasse des principes cardinaux du fonctionnement de la société aujourd'hui. Il importe de souligner, à cet effet, que la Déclaration universelle des droits de l'Homme ne représente aucune incompatibilité avec la conception des droits de l'Homme en Islam. Exception faite de trois articles : - l'article 2 de la Déclaration souligne que «les êtres humains sont égaux en droits (sans distinction de sexe)», alors que l'Islam préconise «une complémentarité» et accorde à l'homme une prééminence sur la femme quant à l'héritage (la part d'un homme équivaut à celle de deux femmes) et au témoignage (le témoignage de deux femmes équivaut à celui d'un homme). - L'article 16 de la Déclaration assure aux hommes et aux femmes le droit de choisir librement leur conjoint, or l'Islam impose à la femme musulmane d'épouser un musulman, alors que l'homme musulman a le droit d'épouser une non-musulmane. - L'article 18 de la Déclaration garantit le droit à tout être humain de choisir sa religion et de changer de religion, quant à l'Islam, il n'autorise pas les musulmans, une fois convertis à l'Islam, de changer de religion. Les droits de l'Homme sont, par ailleurs, mis à mal par les conflits et les tensions qui persistent dans de nombreuses régions du monde musulman, mettant à rude épreuve la liberté de conscience, la liberté de résidence, la liberté de travail, la liberté de mouvement et de pensée. Ce qui pousse à l'exil, à l'exode et au refuge. A cet égard, les conflits du Sahara occidental, du Jammu et du Cachemire, du Karabakh ou de la Somalie illustrent parfaitement cette situation. La torture systématique, la culture de l'impunité, l'emprisonnement arbitraire, l'atteinte à l'intégrité physique des citoyens, sont, entre autres, crimes spectaculaires commis souvent contre les droits de l'Homme dans ces territoires précités. Face à ces atteintes graves aux droits de l'Homme, l'OCI demeure effacée dans la plupart de ces conflits, ce qui est loin de traduire la mission qu'elle s'est attribuée dans ce domaine. En effet, le respect du droit à l'autodétermination, élément fondamental des droits de l'Homme, a été consacré par la Charte de l'Organisation dans son article 2, paragraphe B, alinéa 2. Le cas du Sahara occidental est l'exemple type de l'inaction de l'OCI en matière de droits de l'Homme. Il s'agit pourtant de violations avérées et vérifiées dans de nombreux rapports des Nations unies et des Organisations non gouvernementales. Les Sahraouis vivant dans les territoires annexés par le Maroc subissent quotidiennement les affres de l'occupation. Ils sont souvent victimes de la répression et de l'arbitraire. Aucune catégorie de la population sahraouie n'est épargnée, y compris les femmes et les enfants, le plus souvent victimes de maltraitance et de viols, comme en témoignent les rapports du Secrétaire général de l'ONU, ainsi que des ONG telles que Human rights watch, l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), ou encore la Fondation Kennedy. Afin de pouvoir jouer son rôle d'organisation régionale représentative de plus d'un milliard et demi d'habitants, l'OCI doit joindre ses efforts à ceux de la communauté internationale et assumer ses responsabilités pour amener le Maroc, signataire des Conventions des droits de l'Homme, de respecter scrupuleusement ses engagements et de mettre ainsi un terme à la pratique de torture et à d'autres traitement dégradants dans les territoires sahraouis. Concernant la question palestinienne, qui constitue la raison même de l'existence de l'OCI, celle-ci ne s'est jamais impliquée de manière soutenue dans la question des droits de l'Homme. Elle se limite à des déclarations de circonstances ou des condamnations au même titre que des Etats en dehors de l'Organisation. Sur le plan juridique et institutionnel, l'OCI a adopté en 1999 la Convention sur la lutte contre le terrorisme international. Au plan politique, elle a condamné à maintes reprises toutes les formes de terrorisme et a démontré sa volonté de participer à tous les efforts déployés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Toutefois, des actions plus concrètes restent à réaliser dans ce domaine d'autant plus que l'adoption et l'application par les Etats des mesures antiterroristes sont une obligation qui procède du respect des droits de l'Homme. En conclusion, on peut constater une comptabilité entre l'Islam et les droits de l'Homme ; toutefois, le rôle de l'OCI en matière de respect et de protection des droits de l'Homme demeure en deçà des objectifs qu'elle s'est fixée ainsi que des aspirations des peuples musulmans. Aussi, il est nécessaire de mettre en œuvre tous les instruments et Conventions adoptés à cet effet par les Etats membres de l'Organisation, relatives aux droits de l'Homme dans la conception la plus large, y compris le droit à l'autodétermination des peuples musulmans sous l'occupation.