La liste des compagnies bénéficiaires du «coup de main» de Farid Bedjaoui, neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, au centre du scandale de corruption impliquant Sonatrach et Saipem, filiale du groupe italien ENI, n'en finit pas de s'allonger. Montréal. De notre correspondant Selon une enquête conjointe du quotidien canadien The Globe and Mail et de l'italien Il Sole 24 publiée jeudi, Farid Bedjaoui aurait aussi aidé SNC Lavalin à «sécuriser» différents contrats avec Sonatrach d'une valeur totale de plus de 1 milliard de dollars, en échange de pots-de-vin non encore évalués.La justice italienne estime à 197 millions d'euros les montants qui ont transité dans les comptes du golden boy diplômé de HEC Montréal. Cet argent proviendrait de plusieurs multinationales du pétrole et du gaz. Farid Bedjaoui, qui réside dans la métropole canadienne occasionnellement, contrairement à certains autres membres de sa famille, selon The Globe and Mail, est dans le collimateur des procureurs de Milan, les mêmes qui ont fait condamner Berlusconi pour fraude fiscale. Une porte-parole de SNC Lavalin a reconnu que Farid Bedjaoui avait des contrats avec le géant canadien. «Ces contrats ont été négociés par d'ex-employés de la compagnie et, au meilleur de notre connaissance, étaient à l'époque des arrangements faits dans le cours normal des affaires», a-t-elle précisé. Ces révélations sur SNC Lavalin sont les dernières d'une série qui a commencé début 2012. Elles ont abouti à la démission, en mars 2012, de son président Pierre Duhaime. Arrêté par l'Unité permanente anticorruption de la province du Québec, il a été accusé de fraude et faux et usage de faux (plus de 22 millions de dollars contre un contrat de 1,3 milliard de dollars pour la construction d'un hôpital à Montréal). Son successeur, Robert Card, était en visite en Algérie début février où il a rencontré, entre autres, Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, en compagnie de l'ambassadrice du Canada. En 2012 et à l'international, une enquête de la justice suisse a abouti à l'incarcération de l'ancien directeur de SNC Lavalin en Afrique du Nord, Riad Benaïssa, dont l'un des subalternes aurait tenté d'exfiltrer l'un des fils d'El Gueddafi, Saâdi, de Libye. Selon les révélations des journalistes de la télévision Radio Canada, d'autres hauts dirigeants sont accusés par la justice suisse de blanchiment d'argent à travers des sociétés écrans dans des paradis fiscaux dans le cadre de leurs opérations en Afrique du Nord (195 millions de dollars). Un ours polaire en cadeau Jusqu'à récemment, les médias parlaient de Libye et c'est la première fois que les contrats du groupe en Algérie sont cités. Dans le sillage de la succession de démissions et de licenciements, un ancien cadre de SNC Lavalin poursuit la compagnie pour licenciement abusif et a affirmé dans sa plainte déposée au début du mois en cours que SNC Lavalin avait créé «une culture corporative où sa pratique courante était de faire tout le nécessaire incluant le paiement de ‘‘commissions'' et autres bénéfices pour obtenir des contrats». Entre 2000 et 2009, les activités de SNC Lavalin en Algérie se sont intensifiées pour atteindre le chiffre d'affaires de 6 milliards de dollars. SNC Lavalin est présente en Algérie depuis les années 1970. L'un de ses premiers gros contrats est le projet de Maqam Echahid et Riadh El Feth. Evalué à 600 millions de dollars, il a été signé en 1981 après une rencontre entre le président Chadli Bendjedid et le Premier ministre canadien, Pierre-Elliott Trudeau. De cette période, un ancien PDG de SNC Lavalin, Jacques Lamarre, se rappelle que la culture des «cadeaux» était la règle. Il a affirmé, début février, au Financial Post, le supplément économique du journal canadien National Post, qu'au début des années 1980, un haut responsable militaire algérien lui avait même demandé de lui envoyer un ours polaire. Chose qui n'a pas pu se concrétiser par manque de structure d'accueil en Algérie pour ce type d'animal. Le général a fini par accepter une peau d'ours polaire, selon Jacque Lamarre.